Conception
graphique et montage : Jean-Marie Jolly
Voici
le n° 2 du « Journal de confinement de Terres Ardennaises »,
toujours en période de naissance, donc évolutif ! Il en sera
d?ailleurs toujours ainsi, car nous nous octroyons la plus
grande liberté pour le concevoir et le réaliser.
Nous l?ouvrons par cette belle chanson de Bruno Pia, que
nous dédions à toutes les personnes âgées, confinées dans
les EHPAD ou chez elles, mais aussi à tous les ?jeunes? !
Outre les rubriques du premier : « Où sommes-nous ? », « Une
carte postale légendée », « Une évocation de la guerre de
1870 dans les Ardennes », des extraits du Petit Ardennais,
d?un jeu, vous y trouverez la possibilité de lire l?article
de Robert Cecconello sur les épidémies de choléra en 1849 à
Boult-aux-Bois et à Voncq en 1854. Et vous y verrez plus
d?un parallèle avec la situation actuelle?
Elle se termine par l?évocation de la célèbre salade au
lard.
N?hésitez pas à signaler à toutes les personnes qui
pourraient être intéressées ce journal qui n?aura qu?une
existence éphémère !
Mardi 21 avril 2020 : 36e jour
Le Tango des mamies
Bruno Pia, chanteur bien connu des Ardennais depuis
plusieurs décennies, s?est produit plusieurs fois pour nos
Éditions, surtout à Launois-sur-Vence dans le cadre du
Marché de Noël et de Saint Nicolas. Il a animé, tout comme
Joël Bougeard, le 35e anniversaire de Terres
Ardennaises dans la Salle des Fêtes de Villers-Semeuse, en
2017.
Se promener avec Terres
Ardennaises
Nous étions à? Warcq.
Au fond, la chapelle Saint Hilaire ; à Warcq, ce
saint était réputé guérir des douleurs et à Manre des
fièvres1
Devant la chapelle, dans la plaine Saint-Hilaire, se
trouvait le gué des Romains sur la voie Reims-Cologne par
Warcq. Jean-Pierre Penisson2
écrit : « En août 1984, le niveau bas de la Meuse permit à
Jean-Pierre Lemant de découvrir la stratigraphie de la berge
devant la chapelle.
Depuis le IIIème siècle, la Meuse a recouvert la
couche antique de 2,80 m d?alluvions mêlées d?éboulis venus
de la rive. Ils sont constitués de pierres de construction
et ils correspondent à la destruction d?habitats successifs
sur le lieu même de la chapelle. En deux strates bien
distinctes, les éboulis reposaient sur une couche d?environ
20 cm de sédiment fin, vaseux, renfermant de nombreux restes
organiques (bois, feuilles, noisettes, cuir), des objets
métalliques (clous, outils) et des tessons de poteries
gallo-romaines du IIème au IIIème
siècle.
Traversant cette couche de vase puis une strate de gravier,
des pieux d?environ 30 cm de diamètre étaient fichés dans
l?argile bleue sous-jacente. Ces pieux, en bordure de
rivière, devaient faire partie d?un quai aménagé avant la
fin du IIIème siècle. »
1
LAMBERT Jacques, « Pèlerinages ardennais à la fin du
XIXème siècle », Terres Ardennaises
n° 36, septembre 1991, p. 3-7.
2
PENISSON Jean-Pierre, « Les voies de communication
dans les Ardennes à l?époque romaine », Terres
Ardennaises n° 24, octobre 1998, p. 33-41.
Où sommes-nous ?
POUR GAMBRINUS
Gambrinus (Jan primus), roi mythique de Flandre et
Brabant,
La preuve en est donnée par le cahier de doléances de Fumay,
rédigé la 11 avril 1789, il y a donc à quelques jours près
231 ans. Ses rédacteurs, qui considèrent la bière comme
absolument nécessaire aux nombreux ardoisiers, demandent à
l?article 90 : « Que l?impôt sur les bierres cabaretieres
établi au profit de la province du hainaut, insupportable
aux habitants de fumay soit supprimé et le bail de la ferme
annullé.
Qu?ou les motifs les plus puissants exigeroeient contre
toute raison, que cet impot subsistat à fumay, la ville
puisse convenir d?une somme proportionnée, à titre d?abonement
pour le rendre moins sensible, onéreux et vexatoir à ses
malheureux habitants. »
Ils reviennent sur ce point dans l?article 102 en rappelant
ce qu?avait dit « feu Mr Taboureau », alors qu?il était
intendant du Hainaut : « C?est à regret, s?écria ce
magistrat sensible, que je pressens devoir s?introduire sur
ce peuple laborieux et misérable, des impôts, celui de la
bierre surtout, que je regarde pour lui aussi nécessaire que
le pain : un court espace de tems apprendra bientôt que
cette taxe est impraticable dans un paüs privé de culture,
et ou la condition de ces infortunés est très inférieure a
celle de ces ramassis de mauvais sujets qu?on envoie aux
galères. »
Les cahiers de doléances ardennais 1789, ouvrage
réalisé par les Archives départementales des Ardennes et
l?École normale mixte des Ardennes, à l?occasion du
Bicentenaire de la Révolution française. L?ouvrage avait été
publié par le Conseil général des Ardennes.
Au XIXe siècle, les statistiques parlent
d?elles-mêmes !
S?il est un domaine dans lequel les Ardennes ont largement
supplanté leurs voisins, c?est bien celui de la bière !
Tant pour sa consommation, qui était, par an et par
habitant, en 1900 de :
·5 litres dans l?Aube,
·35 litres dans la Haute-Marne,
·45 litres dans la Marne,
·139 litres dans les Ardennes.
Que pour sa production en 1913 :
·27 043 hl dans l?Aube,
·146 372 hl dans la Haute-Marne,
·388 135 hl dans la Marne,
·608 836 hl dans les Ardennes.
VOLUER Philippe, 1997, La bière en Ardenne et en
Champagne, Éditions Terres Ardennaises, 238 pages.
Une
évocation de la guerre de 1870 dans les Ardennes
L?ampleur
de la défaite de Sedan le 1er septembre 1870 va
particulièrement choquer la société française, même si en
France s?opère en quelques années une surprenante mutation.
Une transfiguration héroïque insistant sur des faits
secondaires transforme la défaite en victoire morale. On ne
parle plus du désastre de Sedan mais de la défense de
Bazeilles par les soldats de l?Infanterie de Marine,
magnifiée par le tableau du peintre Alphonse de Neuville,
« Les Dernières Cartouches ». La peinture militaire connait
alors un « âge d?or » en France comme en Allemagne.
Toutefois, rien de
tout cela dans cette esquisse. Ici l?âpreté des combats de
rue entre les soldats bavarois et les marsouins est
particulièrement palpable. On se fusille à bout portant, au
milieu de la fumée, des barricades, des blessés et des
morts. L?un des soldats en panique semble vouloir se
replier, retenu par un officier.
L?identité de
l?artiste est inconnue mais on l?imagine volontiers
bavarois, ayant lui-même participé à cette bataille, pour
avoir su avec tant de justesse représenter la violence de
cet affrontement. Il faut rappeler que plus de 4000 soldats
bavarois tomberont lors de ces combats, et probablement
autant du côté français !
Pour en savoir plus
sur Alphonse de Neuville et son tableau le plus célèbre :
Faits-divers, Le
Petit Ardennais du 20 avril 1900, consultable sur le site
des Archives départementales des Ardennes
Chasse
Grève à
Charleville
Rixe à Torcy-Sedan
AD 08 - Cote PERH44 / 41 - Le PDF du journal du jour : clic
ici
La
page des jeux - Philippe Duplayé
Téléchargez la grille
>>>>
et imprimez la
Choléra au XIXème
siècle, Boult-aux-Bois, 1849, Voncq 1857
(Robert Cecconello, Santé : Maladies et médecines (1),
Terres
Ardennaises n° 32, octobre 1990, p. 35-38)
« Le choléra est strictement limité à
l?espèce humaine. Il déferle sur l?Europe au XIXème.
La deuxième pandémie, qui ravagea l?Europe de 1823 à 1837, fit
plus d?un million de victimes. La France connut sa plus forte
épidémie en 1832, surtout à Paris. Le président du Conseil,
Casimir Périer, en mourut. Dans l?esprit des bourgeois, la
maladie fit considérée comme un phénomène social et l?on rendit
responsables les ouvriers et les plus défavorisés. Pour le
clergé et les légitimistes, le choléra fut perçu comme une
manifestation de la colère de Dieu et le châtiment de la
Révolution qui avait chassé Charles X. »
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À propos de la salade au lard !
Pour ceux et celles qui ont la chance de pouvoir se promener
dans les champs, non loin de chez eux, cette recette et ces
réflexions, tout en sachant que le temps exceptionnellement
chaud en ce mois d?avril a déjà mis en fleurs les
pissenlits !
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« Une herbe pourtant !
Le puchali, pissenlit, ordonne la salade au lard,
plat de cuisine pauvre sur lequel les gens d?ici fondent
souvent assez largement leur ?ardennité? : à tort d?ailleurs
car nos voisins lorrains et champenois mangent aussi la
salade au lard. Pour être ardennais, nous disons volontiers
aimer la salade au lard. Elle est la rencontre de trois
éléments de base : le pissenlit, la pomme de terre. Sel,
poivre, échalote, ail, vinaigre tiennent des rôles seconds
mais nécessaires, le vinaigre surtout qui est utilisé
brûlant.
Il faut des pissenlits, salade sauvage du printemps, dont
l?amertume purge le sang. Manger la salade au lard,
c?est se nettoyer après les noirceurs de l?hiver. Il y a là
quelque thérapeutique.
Les feuilles sont coupées en tronçons courts. Certaines
cuisinières attaquent aux ciseaux la botte serrée dans la
main.
L?utilisation, récente sans doute, de salades cultivées,
éloigne la salade au lard de sa perfection. »
L?arrachage des pommes de terre.
Dessin de Simon Cocu.
Jean Clerc, « Cuisine pauvre, pauvres nourritures »,
in Boire et manger en Ardennes, Terres Ardennaises
n° 12, octobre 1985, p. 47.
_________________________
« La salade au lard
Deux grandes questions de fond concernent celles-ci et je
sais que je ne réconcilierai pas les tenants des pommes de
terre en robes des champs et les tenants des pommes de terre
épluchées, cuites à l?eau. Impossible aussi de départager
ceux qui préfèrent que la salade (pissenlits de préférence
bien entendu) cuise un peu, et ceux qui préfèrent qu?elle
soit confite au contact de la chaleur des cretons et des
pommes de terre.
Fait-il s?indigner si le lard est fumé ?
Est-il sacrilège de parsemer échalote et ail coupés menu
avant l?ultime touillage ? Il paraît que oui. Je dirai que
non.
Débrouillez-vous, je ne m?en mêle plus. »
Avant ou après la cuisson ? Dessin
de Simon Cocu.
Simon Cocu, « À propos de la cuisine populaire :
galette au sucre, baïenne, salade au lard », in Boire et
manger en Ardennes, Terres Ardennaises n° 16,
octobre 1986, p. 2.
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?Cueillette des pissenlits?. Dessin de Simon Cocu
d'après
une toile de Eugène Damas.
Salade au lard
La vraie salade au lard ardennaise se fait avec des
pissenlits. On peut cependant les remplacer par de la
chicorée. Rare façon de servir une salade crue chaude.
Préparation : 30 mn
Salade : il faut un volume quatre fois supérieur à celui
d?une salade habituelle.
2 pommes de terre longues.
1 tranche de lard gras et 1 tranche de lard maigre par
personne.
Échalotes, vinaigre, huile.
Épluchez la salade, découpez-la finement et mettez-la dans
le fond creux d?un saladier.
Faites cuire les pommes de terre à la pelure.
Faites fondre dans une poêle le lard gras et le lard maigre
coupés en petits crétons.
Hachez finement des échalotes, placez-les dans une casserole
avec du vinaigre, chauffez et laissez bouillir une minute.
Maintenez au chaud.
Au moment de servir, placez le saladier contenant la salade
au bain-marie.
Épluchez rapidement les pommes de terre, coupez-les en
rondelles, mettez-les sur la salade.
Ajoutez quelques cuillerées d?huile, puis versez les lardons
chauds et le mélange vinaigre, échalotes, sel, poivre.
Remuez le tout et vérifiez l?assaisonnement.
La quantité de vinaigre est effectivement fonction de la
quantité et de la qualité d?absorption des pommes de terre.
Monique Esquerré-Anciaux, Cuisine des Ardennes,
Denoël, 1988, 208 pages.
« [?] De bonne heure, j?eus à me débattre par un excès
d?humeur capricieuse, contre la rabote (une pomme
entière cuite dans une pâte solide), la salade au lard,
certaines tantimoles (crêpes) qui sont d?une haute
succulence. Mes parents proclamaient qu?il fallait aimer
ces nourritures qui ne nous avaient pas été léguées sans
profondes raisons et j?ai dû remarquer que tout autour de
moi il y avait un goût marqué pour des mets pittoresques.
Pour ma partie préférais les cuisses de grenouille qui ne
coûtaient pas quatre sous, et à ce propos j?ai pu au cours
des ans observer l?essentielle étrangeté de la cuisine
ardennaise. [?] »
André Dhôtel, extrait de sa préface au livre de
Monique Esquerré-Anciaux.
La dernière lettre de Terres
Ardennaises d'avril 2020