Conception
graphique et montage : Jean-Marie Jolly
Journal « couleur Nouzon », pour
se souvenir de Jean Clerc
Il y a un peu plus d?un temps disparaissait notre ami
Jean Clerc, un pilier des Éditions Terres Ardennaises, à qui
nous avons rendu hommage dans le n° 147 de notre revue.
L?évocation de l?arrestation et du procès de
Jean-Baptiste Clément nous a naturellement conduits à
Nouzonville, où il se rendait souvent. Un nom fabriqué après
la Grande Guerre, car les facteurs confondaient Nouzon et
Mouzon !
Jean, qui était né Devant-Nouzon, disait1
qu?après avoir cherché des solutions à ce ?problème?, « pour
finir, ils ont ajouté ville au sens de fabrication. Mais,
nous, de toute façon, nous sommes de Nouzon. Nous n?avons
jamais dit Nouzonville. D?ailleurs la formule : On est de
Nouzon ou ne l?est mi ! date d?avant la modification.
C?est quasiment le mot de passe pour les Nouzonnais, pour se
reconnaître ; cela montre bien le sentiment d?appartenance
et une certaine fierté quand même. On est de Nouzon ou ne
l?est mi montre bien qu?il y a deux catégories de
personnes ».
Jacques Lambert
[1] Jacques et Elisabeth Lambert,
Enfances de ?Vaillants? Jean Clerc, Henriette et
Simon Cocu, Raymonde Roger, Éditions Terres
Ardennaises, 2012, 288 pages.
Mardi 5 mai 2020 : 50e jour
La pensée du jour :
« Le rire est à l'homme ce que la bière est à
la pression. »
Alphonse Allais
Commençons en chansons...
Septembre
Dans le froid de Launois 2019.
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LE BAL À JOJO
La bicyclette
Marché de Noël 2015 à Launois.
Énormément de bonnes choses à regarder sur ce blog, en période de
confinement ou non !
Les commentaires
sont en patois, mais pas les images, il va falloir y penser !
Se
promener avec Terres Ardennaises
Nous étions? à
Prix-lès-Mézières
Pascal Chagot a photographié le Grand-Moulin, que l?on
retrouve à droite de la photo de Jean-Michel Benoît. Dans le
fond, perpendiculairement se trouve le Moulin-du-Milieu.
Quelques éléments de son histoire révélés par Michel Coistia1 :
Création : « À Prix-lès-Mézières, l?abbaye de
St-Hubert fonde en 1068 un prieuré à la suite de la donation
des possessions du comte Arnould de Chiny. Pour alimenter le
prieuré et le village attenant, un moulin à blé fut
construit. Un bail du 9 juin 1517, par lequel Dom Guillaume
de Noirefontaine, prieur de Prix, loue le moulin du lieu à
un nommé Saingery pour 40 francs tournois payables en quatre
termes, atteste de l?activité du moulin. »
Transformation : « La Manufacture d?armes que
dirige en 1733 Jean-Baptiste Fournier, fils de Victor
Fournier qui transforma le magasin royal de son père
Toussaint Fournier en manufacture privilégiée, a besoin de
s?agrandir alors qu?éclate la Guerre de Succession de
Pologne.
J.-B. Fournier loue cette année-là, pour trois ans et
moyennant un loyer de 240 livres par an, des bâtiments sur
le cours d?eau de Prix qu?il reconvertit en batterie et
forge, si bien que la Manufacture d?armes se dénomme
quelque temps de Charleville, Nouzon, le Moulin Leblanc
et Prix. »
Révolution française : « Levasseur de la Sarthe
[alerté par le citoyen Hibert, commissaire des forges
d?artillerie] se déplace, rencontre Clouet, chargé de
l?exploitation des forges nationales de Daigny, et Hibert.
Il rédige son rapport et arrête sa décision le 7 thermidor
an II (25 juillet 1794) : Je fais choix du citoyen
Gossuin, entrepreneur de la manufacture de Libreville
[ex-Charleville], pour faire exécuter une platinerie
[usine de laminage] à Prix le plus promptement possible,
d?après le plan qui lui sera remis par les citoyens Hibert
et Clouet, chargés de la surveillance dudit établissement
(?). Cette platinerie sera en place de deux moulins qui sont
le plus près du village (attendu que deux autres
continueront à aller en farine pour les besoins du commerce)
et le district de Libreville sera chargé de l?indemnité qui
pourra être due au Meunier pour sa non jouissance. »
XIXe siècle : « Le Grand Moulin est
construit en 1834. (?) Par la suite, sans doute après 1870,
les trois moulins à farine seront utilisés à la fabrication
des couleurs, le Moulin du Milieu étant l?unité principale
puisqu?elle comportait les hangars de stockage des matières
premières, le séchoir, les calcinateurs et deux paires de
meules. »
XXe siècle : Le Moulin du Milieu
« fonctionnera jusqu?en 1955. Le Moulin du Haut, après avoir
été électrifié en 1920 par M. Charles Villemot, cessera ses
activités en 1925. Quant au Grand Moulin, après avoir broyé
du tan puis des couleurs, il ne sera plus utilisé que comme
maison d?habitation à partir de 1918 ».
1
Michel Coistia, Les moulins à couleurs des Ardennes,
Éditions Terres Ardennaises, 1991, 80 pages.
Lire aussi : Marie-France Barbe, Sylvie Laverdine,
Françoise Parizel, Moulins des Ardennes par monts et
par vaux, Éditions Terres Ardennaises, 2013, p.
143-144 et 154.
107 = Grand Moulin ; 108
= Moulin du Milieu ; 109 : Moulin d?En Haut.
Collection Dominique
Mézières.
Où sommes-nous ?
Le 1er
mai 1891 dans les Ardennes (2)
Suite à
l?arrestation de Jean-Baptiste Clément, Allemane, leader du
Parti Ouvrier Socialiste Révolutionnaire et J.B. Dumay,
député du parti, viennent dans les Ardennes et s?efforcent
d?éviter toute réaction violente des ouvriers. J.B. Lavaud
est lui aussi envoyé de Paris par l?Union Fédérative du
Centre pour remplacer Clément à la tête de L?Émancipation.
Les chambres syndicales du département, Nouzon, Vrigne-aux-Bois,
Givonne, Anchamps, Neufmanil, Angecourt? adressent des
lettres de soutien au siège de la Fédération.
Voici celle de
Daigny : « C?est avec une profonde indignation que nous
avons appris l?arrestation arbitraire de notre ami et dévoué
Jean-Baptiste Clément. On voit par tout ce qui s?est passé
que c?est prémédité. Il semblerait que nous sommes revenus
aux plus mauvais jours d l?Empire et que la liberté des
citoyens est gravement menacée. C?est alors qu?il faut
redoubler d?énergie si nous voulons triompher de tous ces
potentats parvenus au pouvoir. »
Le groupe des
Ardennais de Paris, L?Union Fédérative du Centre, le
Familistère de Guise, la Fédération des Travailleurs
Socialistes de la Région Est protestent aussi.
Le 4 mai, à la
Chambre de députés, J.B. Dumay, député allemaniste du XXe,
et Tony Revillon, député radical, s?insurgent et
demandent la mise en liberté de Clément.
« La presse prend
le relais avec la caricature du dessinateur montmartrois
Willette représentant deux pandores qui embarquent une
jeune fille et son panier de cerises. L?artiste ajoute ce
couplet de circonstance à la célèbre romance de Clément :
Quand il reviendra
le temps des cerises,
Pandores idiots,
magistrats moqueurs
Seront tous en
fête !
Gendarmes auront la
folie en tête,
À l?ombre seront
poètes chanteurs.
Quand il reviendra
le temps de cerises,
Siffleront bien haut les chassepots
vengeurs. »
Jean-Baptiste
Clément a fait appel et est rejugé par la Cour d?Appel de
Nancy pour les seuls motifs de « complicité de rébellion sur
la voie publique et outrages à des magistrats pendant
l?audience ». Il est défendu par Alexandre Millerand1
qui « influence la Cour d?Appel de Nancy. Après sept
semaines de détention, Clément voit sa peine ramenée à un
mois de prison pour refus de circuler et un mois de prison
pour offense à magistrats. Le lendemain du verdict, le
journal radical Le Petit Ardennais croit devoir
ajouter : « Seulement ! », ce qui provoque la
réaction immédiate de Lavaud :
?Vous vous moquez de
la haine mal dissimulée des bourgeois. Mais que ce dépit
contraste avec la joie des travailleurs des Ardennes.
L?ordre, nous devons l?avouer, a même été sérieusement
troublé le soir, de charmants enfants sont venus nous
prouver leur sympathie et le petit camarade qui les
précédait avait oh ! Horreur un drapeau rouge à la main !? »
Rappelons que tout ce qui se trouve dans cet article est
extrait du numéro hors série de Terres Ardennaises,
de 48 pages sur le 1er mai 1891, écrite par
Didier Bigorgne.
Demander une carte postale à Dominique Mézières sur le
Nouzonville industriel, un des plus importants de la Vallée
de la Meuse c?est en recevoir 10, et commettre une entorse à
cette rubrique : passer trois cartes au lieu d?une !
La première parce qu?elle montre une des richesses passées
de Nouzonville : la présence de la Meuse, jadis siège d?un
important trafic de péniches.
La deuxième pour
montrer le rôle formidable qu?a joué le chemin de fer dans
l?industrie locale.
La troisième parce qu?on voit au premier plan la ligne du
petit train départemental, ?Le Toré?, qui reliait
Nouzonville et Gespunsart. Elle était longue de 8 km et on
voit un embranchement qui la raccordait à cette usine de La
Cachette, quartier de Nouzonville.
_____________________
Pour commenter ces cartes, nulle histoire industrielle,
nulle statistique, nulle analyse, mais quelques mots de Jean
Clerc sur le patois parlé à l?époque1,
qui avait trait aux usines.
Le choufflot
Dans les usines, où le choufflot, le sifflet découpe
le temps et donne le signal du travail, qui est en retard?
ou presque : arrive à moins chouffle.
Le choufflo(t), à présent, c?est une sirène, à
l?origine, c?était le sifflet de la machine à vapeur. À
Nouzonville, je m?étonnais, enfant, de voir mes parents
reconnaître tel ou tel : « c?est chu X? (chez) il est
moins cinq. La longueur des sifflements était codée.
L?atelier : la boutique suscite une mesure précise du temps
et le choufflot découpe fermement la journée ; avec
tant d?autorité que par dérision les ouvriers de
Nouzonville chantaient : on s?lève à six heures, on travaille
à cinq heures (sic)? à huit heures là qu?ça chouffle?
huit heures, c?est l?heure du casse-croûte, l?ouvrier
mange sa marinde qui est dans sa marmite aux
Hautes-Rivières : pot d?camp.
_____________________
La quinzain-ne
C?est le salaire de 15 jours qui recouvre exactement la
notion de paye : quand les hommes rentront avet leur
quinzain-ne, elle n?é qu?à tend?sa jron ? quand les
hommes (le père et les fils) rentrent à la maison avec leur
paye, elle (la mère) n?a qu?à tendre son giron (étoffe du
tablier) et l?ouvrier pour quitter son travail : donne,
on fait ses huit jours. Le rituel des huit jours
concorde pleinement avec l?idée de cessation d?un travail.
_____________________
Kantesse (Quand est-ce ?)
À la boutique, le nouvel arrivant, lui,
offre à boire à ses compagnons en guise de bienvenue : la
kantesse.
Ce n?est pas très original de parler du temps, mais dans
une civilisation de petite agriculture, les excès du
climat portaient le paysan à l?inquiétude pour ses
récoltes, et c?était la crainte de la chère année (T.A.
n° 2, le temps. Chère année, c?est ainsi que l?on
désignait au XVIIe siècle les années de la
famine ; GOUBERT, la vie quotidienne des paysans au XVIIe
siècle). Il reste un peu de cette anxiété chez nos
jardiniers d?aujourd?hui.
Nous étonnons ceux « qui ne sont pas d?ici » : par temps
chaud et lourd certes, i fait mauvais, i fait
menre (GR. MENRE : mineur, inférieur, d?un moindre
prix. Lat. MINOR ? MINOREM, comp. de PARVUS petit).
L?to est pésant, le temps est pesant, on parle de
chandie, qué chandie ! quelle chaleur ! À Nouzon, on
s?interroge le soir qu?chaude co, sachons que
chaude désigne aussi bien la suée, la journée chaude
que la chauffe du forgeron.
Le mauvais temps ? vrai ? et l?approche du mauvais
temps ; la différence est souvent difficile à faire ?
vivent sur quelques locutions fortes et sur des
métaphores suffisamment fixées pour prendre allure de
formulettes ; le plus souvent c?est le climat « psychologisé ».
Un to à faire les wafles, un temps à faire les
gaufres ? les gaufres sont les pâtisseries de l?hiver.
C?est le temps annoyant qui suscite l?ennui,
alors ça sent la neige, on é d?la neige plein l?dos
et si la neige choit et dure, on nn?arait jusqu?au
quatorze juillet va ! On en aura jusqu?au? humour
et fatalisme. Mais en règle générale, dans la
conversation la plus quotidienne, le mauvais temps c?est
du viu temps (N.), du vî to. Il n?est pas
certain que vî soit l?équivalent de viu,
vieux, mais il vaut aussi pour : mauvais, médiocre ; ce
serait donc alors : vil. Demeure une vibration de sens :
vieux ? mauvais.
Nous pourrions reprendre ici tout ce qui concerne le
changement de temps où l?essentiel vient de termes d?une
psychologie élémentaire. Remarquons encore que la
notion : le temps change est obnubilée par « le temps
se gâte ». V?là co no temps démis.co, c?est
encore : chaque formulation sur le mauvais temps peut
laisser ce co s?insérer dans la forme.
L?interrogatoire des matins gris est : qué temps qu?i
va co faire anui ?
La sécheresse sévit parfois : tout va séki su pi,
tout va sécher sur pied. On prend alors des précautions
pour évoquer ou invoquer la pluie. Vous ô biau dire
là, fara d?l?iyo. Vous avez beau dire là, il
faudrait de l?eau. Dans le folklore des saints, nous ne
voyons pas lequel il fallait prier pour faire pleuvoir?
ou pour faire cesser la pluie.
Les moqueries de village à village peuvent s?appuyer sur
des différences climatiques. Ainsi Linchamps, où un
micro-climat donne des gelées tardives ou précoces ? au
vrai, statistiquement il peut geler chaque nuit de
l?année ? Linchamps donc est l?objet des sarcasmes des
« gens des Hautes-Rivières ». Au c?ur du printemps, on
demandera ux Ernikins : ô vous co d?la neige ?
Avez-vous encore?
N. = Nouzonville ; H.R. = Les Hautes-Rivières ; La N. =
La Neuville-aux-Haies.
Extrait de Jean Clerc, « Le temps qu?il fait ou le temps
au quotidien », Terres Ardennaises, Temps et Climat,
n° 4, octobre 1983.
Pour lire une analyse
scientifique de la véracité des proverbes
météorologiques dans la région de Vouziers :
Clic sur l'image >>>>>>>>
LE BOUCLIER DE PIERRE !
Alors qu?ils avaient combattu avec pugnacité toutes les
réformes militaires proposées par le Second Empire, les
nouveaux dirigeants républicains décident dès 1871 une
réorganisation de l?outil militaire. Inspiré du système
prussien, il s?appuie sur la constitution de corps d?armée
ayant une composition permanente. Le recrutement et la
formation des soldats se font désormais dans un cadre
géographique constant, avec des régiments implantés
localement.
Si cette nouvelle armée doit constituer
l?épée, la défense du pays est complétée par un bouclier de
pierre. Il s?agit de l?adoption d?une stratégie défensive
qui conduit à l?édification du système fortifié Séré de
Rivières, du nom de son concepteur, destiné à protéger les
frontières de la France.
Des Alpes à la plaine du Nord, son
principe repose sur l?alignement d?ouvrages fortifiés qui
doivent interdire le passage d?une armée à travers une zone
définie, complétés par des forts isolés tel celui des
Ayvelles dans les Ardennes, construit de 1877 à 1878, que
nous avons déjà évoqué dans nos journaux 5 et 6. Ces deux
superbes photographies illustrent le principe de
construction de ces fortifications conjuguant la pierre et
la terre, avec des pièces d?artillerie installées en plein
air sur des banquettes de tir, ici un canon de 155 mm de
type De Bange.
Les hommes de la garnison offrent un
regard goguenard au photographe, il est vrai que la guerre
semble très loin?
Visitez le site et le musée >>>>
Faits-divers, Le
Petit Ardennais du samedi 5 mai 1900, consultable sur le site
des Archives départementales des Ardennes
Élections :
Floing? aux Flongeois !
Demande d?unité à Sedan.
Les militaires
dans la rue :
AD 08 - Cote PERH44 / 41 - Le PDF du journal du jour : clic
ici
Le dessin d'Alain Sartelet
À
l?aube du
XVIIe
siècle, en ce matin d?hiver, la nuit a été tenace et le
froid âpre? l?abbaye Notre-Dame d?Élan, coiffée de
neige, encore engourdie d?hiver, peine à s?éveiller,
pourtant des ombres ont déjà glissé bien tôt dans la
nuit vers la vénérable et austère abbatiale. Le rituel
cistercien est immuable, les glaces et les neiges de
l?hiver ardennais qui triomphe n?interrompent jamais
rien ici? Alors qu?au dehors un petit jour blanc pâlit,
les chants, d?une grâce infinie, solennels et doux
montent, montent, légers, vers les voûtes encore
ennoyées de ténèbres?
Restitution et dessin Alain Sartelet,
Ardennais exilé et
confiné à Paris
_______________
Nous avons publié
d'Alain Sartelet :
La
principauté de Sedan.
21 x 30 à l'italienne. 180 p., 1991.
Givet et
sa région à travers les siècles.
25 x 30. 180 p. en quadrichromie, 2015.
- en
coédition avec le Musée de l'Ardenne :
Mézières. Les fortifications et la citadelle.
20 x 25,5. 92 p., 2005.
La page des jeux -
TAQUE, OH ! TAQUE - Cherchez les erreurs - Philippe Dupayé
Téléchargez le jeu >>>>
et imprimez-le
Solution du jeu du journal n° 7 >>>
La lettre n° 79 de Terres
Ardennaises d'avril 2020