Un
spectacle : LES ANARDENNAIS
Durée : 1 h 15.
Entrée : 5 euros.
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Le 24 février 1889, Émile Pouget,
fonde Le Père Peinard, journal anarchiste édité à Paris,
qui paraît jusqu'au 21 janvier 1894, date à laquelle, il doit
alors cesser sa publication à la suite des « lois scélérates »
votées contre les anarchistes. Le journal reparaîtra de mai 1895
à octobre 1896, sous le titre La Sociale, puis, du
25 octobre 1896 au 16 mars 1902, il reprend son titre initial.
Dominique Petit livre aux
Éditions Terres Ardennaises une quasi-anthologie des textes
concernant les Ardennes publiés dans Le Père Peinard. Il
précise : « Émile Pouget est la cheville ouvrière du Père
Peinard, il se charge d'écrire la plupart des articles. Il
est difficile de savoir si d'autres rédacteurs ont publié des
écrits dans le journal, la quasi-totalité des articles étant
anonymes.
(?) De très nombreux
correspondants lui envoient de brefs articles pour dénoncer les
conditions de travail dans les « bagnes ». Pouget réécrit les
textes dans le style du Père Peinard et y ajoute ses
commentaires.
Une bonne partie du journal se
trouve dès lors rédigée par des correspondants bénévoles qui
décrivent leur vie, leur travail, les conflits au sein de leurs
entreprises mais également abordent de nombreux autres sujets. »
Dominique Petit rapporte qu?Émile
Pouget utilise le parler des travailleurs pour rédiger Le
Père Peinard : « Les types des ateliers, les gas des usines,
tous ceux qui peinent dur et triment fort, me comprendront.
C'est la langue du populo que je dégoise ; et c'est sur le même
ton que nous jabottons ... »
Son style est direct et frappe
juste ! Pouget a le sens de la formule, nous ne citerons que
cette phrase : « Et tandis que les ouvriers se serrent la
ceinture pour ne pas avoir à se remplir le ventre, les patrons
la mènent joyeuse. »
Le spectacle s?appuie sur un
choix varié de textes. En premier lieu, évidemment les
conditions de travail et les dénonciations des patrons, appelés
singes, vampires et jean-foutre, et les grèves multiples menées
contre eux. À l?occasion de ces conflits parfois violents, les
correspondants locaux expriment souvent leur désir de voir la
troupe envoyée contre eux se joindre aux grévistes !
Le groupe anarchiste de
Charleville, les Sans-Patrie, avait, dans son manifeste de
création le 25 octobre 1891, affirmé : « Nous sommes
anarchistes, c?est-à-dire ennemis de toute autorité. » Il n?est
donc pas étonnant alors que les autorités soient incessamment
malmenées et dénoncées, que ce soit « les salauds de la haute »
qui abusent des files de travailleurs, les députés ? les
bouffe-galette ?, les maires ? les mâres ?, les policiers ?
roussins, cognes ou sergots ? toujours présents comme espions
dans les réunions de propagande, les juges ? les enjuponnés ?,
le clergé ? les ensoutannés, les ratichons, le cléricochon !
Le quotidien des anarchistes
ardennais est évoqué : renvoi d?usines, arrestations pour des
motifs divers, conflits avec leurs propriétaires de logements,
luttes contre ceux qui croient à la révolution par le vote?

Ces textes sont entrecoupés de
chansons, qu?accompagnent un orgue de barbarie ou une
ritournelle. Certaines sont connues : Le grand métingue du
métropolitain, Gloire au 17e, Ils ont
les mains blanches, Plus de patrons. D?autres
beaucoup moins : La complainte des Apaches, À Cayenne,
La dynamite, Les anti-proprios et l?une est une
découverte : il s?agit d?un détournement anarchiste de la
célèbre Temps des cerises.
Ces chansons sont toutes d?époque
et montrent que les idées anarchistes étaient portées par un
certain nombre de militants en France et ailleurs. Écrites elles
aussi par des hommes de talent, citons Aristide Bruant et
Montéhus, elles plongent le spectateur dans l?univers des salles
populaires et des bistros où elles ont été souvent chantées, à
la fin du XIXe siècle.

Photo Jean-Marie
Jolly (à Launois-sur-Vence).
La dernière, celle qui clôt le
spectacle : Les anarchistes, de Léo Ferré, est un écho
des rêves, qui n?ont pas disparu, qui animaient ces militants et
des luttes qu?ils ont menées pour les réaliser. À ceux qui
affirmeraient que ce n?est que de l?histoire ancienne, nous leur
rappellerons que, le 25 octobre 1891, les Sans Patrie de
Charleville écrivaient : « Tous les hommes sont frères, rien ne
devrait les séparer et le militarisme est une plaie odieuse que
tous doivent combattre, avec acharnement. La guerre est une
chose abominable, l?invention diabolique de monstres ambitieux à
face humaine. Nous voulons la paix, la sécurité pour tous. »
La situation internationale
prouve, à l?évidence, que ces Anardennais minoritaires voyaient
juste !