Editorial
Notre revue fête ses 25 ans ! Nous
voici donc au numéro 100. Nous avons publié notre numéro 50
en avril 1995 : il était consacré aux inondations. Sous
forme de plaisanterie, nous avions signalé dans notre
éditorial que La Meuse, certainement jalouse de n?avoir pas
été choisie comme marraine à notre naissance !, (avait)
frappé à notre porte et que cela nous avait donné le thème
de ce numéro 50... Nous avons depuis quitté le quartier
d?Arches pour habiter bien plus au sec, pourtant dans une
rue baptisée rue des sources !
Heureusement, pour ce numéro d?octobre
qui traite d?une autre calamité : les incendies, nous
n?avons pas eu à subir une expérience douloureuse, qui nous
en aurait inspiré le thème. Non, c?est Pascal Chagot qui a
suggéré, il y a de cela plus d?une dizaine d?années, de nous
y intéresser. Le feu a longtemps couvé sous la cendre,
puisque c?est seulement maintenant que nous allons parler
des incendies, qui ont marqué les mémoires ardennaises, et
de ceux qui les ont combattus hier et les combattent
aujourd?hui.
Grâce aux précieuses archives
communales, gardées par les Archives départementales, nous
avons pu découvrir que, tout au long du XIXe siècle et
encore durant une grande partie du XXe, l?équipement et
l?entretien d?une subdivision de sapeurs-pompiers ont
représenté pour les communes un effort considérable.
Plusieurs articles en témoignent, avec les recours aux
souscriptions volontaires, à la vente de coupes de bois, aux
centimes additionnels, aux tombolas et à la chasse aux
subventions étatiques ou privées, dans les communes les plus
pauvres où l?achat d?une pompe en particulier représentait
une dépense beaucoup trop importante pour être intégrée dans
un budget ordinaire. Nous avons aussi relevé le combat entre
fabricants et vendeurs locaux et leurs homologues nationaux
: la lutte contre l?incendie a généré beaucoup d?argent et
attisé bien des convoitises !
Nous avons pu également dresser un
portrait, à partir de règlements, de textes, de contraintes,
enrichi d?anecdotes parfois savoureuses, de la manière
d?être pompier dans les petits villages. D?autres
témoignages plus récents ont corroboré l?idée qu?un pompier
ne combattait pas uniquement les incendies, mais qu?il
jouait aussi un autre rôle très important. C?était dans
beaucoup de communes un élément essentiel de la vie
communautaire, un créateur de lien social et parfois, pour
certains villages, la subdivision de sapeurs-pompiers était
la seule association active. Les sapeurs-pompiers
combattaient les sinis?tres, certes, mais ils organisaient
aussi les cérémonies du 14 juillet ou le bal de la fête
patronale, participaient à d?autres réjouissances,
distribuaient les colis des vieux pour Noël, rendaient les
honneurs pour l?enterrement d?un maire?
En 2007, la départementalisation est en
cours d?achèvement. Un article vous en retrace les origines,
les étapes, la philosophie, mais la transition ne se fait
pas sans douleur. Le but recherché est une plus grande
efficacité des secours dans une société qui, en matière de
sécurité, ne tolère plus les à-peu-près. Mais cette
départementalisation entraîne un effacement du rôle du
pompier, en tant qu?animateur de la communauté villageoise.
Certains le regrettent. Les maires, moins concernés par des
pompiers qui échappent à leur autorité, ne jouent plus le
rôle de recruteurs qui a été le leur pendant près de deux
siècles. Les adversaires de la départementalisation y voient
la cause principale de la crise du volontariat dont la
presse régionale se faisait l?écho le 29 juillet dernier.
Les sapeurs-pompiers ardennais ont perdu près de 500
volontaires en 10?ans. En fait, les raisons sont multiples,
nous n?en énumérerons que quelques-unes. Si la
départementalisation, en distendant le lien entre
sapeurs-pompiers et communauté villageoise en est une, on
peut aussi avancer des contraintes moins bien supportées
dans une société de loisirs et un temps de formation de plus
en plus en plus long pour s?adapter aux exigences d?une
société qui, rappelons-le, ne supporte plus l?approximation
en matière de sécurité.
Nous ne pouvons citer ici tous ceux
qui, par la mise à disposition de documents communaux ou
privés, ont permis la réalisation de ce numéro. Ils sont
trop nombreux. Nous les remercions ainsi que les
responsables actuels ou anciens responsables des pompiers du
département qui ont prêté de bonne grâce leur concours à ce
numéro 100.
Toute l?équipe de Terres Ardennaises et
ceux et celles qui l?ont rejointe pour ce travail espèrent
contribuer à une modeste échelle ? cette expression prend
tout son sens ici ! ? à faire comprendre un corps avec ses
grandeurs et ses contradictions, avec aussi ses tragédies et
ses sacrifices. Un corps auquel, à juste titre, les Français
sont particulièrement attachés.
Jean Diel et Jacques
Lambert