Éditorial
Turenne... et les odeurs !
Comme elle le présente dans ce numéro, La Société
d'Histoire et d'Archéologie du
Sedanais organise en
septembre un colloque international pour fêter le 400e
anniversaire de la naissance à Sedan d'Henri de Turenne. Sur
cette vie presque entièrement consacrée à batailler en
France et dans bon nombre de pays européens, et sur cette
mort en 1675 provoquée par un boulet de canon à Sasbach (ou
Salzbach) régnera une odeur... de poudre.
Un
remarquable et récent livre, L'odeur de l'ennemi,
l'imaginaire olfactif en 1914-1918 (Juliette Courmont,
Armand Colin), analyse la croyance fausse des Français,
civils et militaires, en l'existence d'une odeur
particulière aux soldats allemands. Dans notre ouvrage
bilingue,
Occupations Besatzungszeiten, j'ai relevé cette
anecdote concernant Turenne, du moins sa statue : A
Sedan, en août 1915, une mauvaise blague, que l'on croirait
de potaches, permet à Alfred Cosson de revenir sur "l'odeur"
allemande : "Des officiers ont fait un vacarme affreux cette
nuit place Turenne. Ils ont installé à un rez-de-chaussée,
autrefois habité par un médecin, une sorte de buvette (Weinprobierstube
en patois boche) et ils ont si bien bu que la fête a tourné
à l'orgie grossière. Ce matin, Turenne était orné d'un
masque à gaz ; le vin avait donné de l'esprit à ces
messieurs et l'un d'eux s'était risqué pendant la nuit à
grimper jusqu'à la tête de la statue. Comme toujours, ils
ont donné une excellente occasion de rire à leurs dépens ;
Sedan est si odieusement empoisonnée depuis 3 ans, la place
surtout sent si mauvais, que Turenne risque de mourir
asphyxié sans masque à gaz, symbole parfait. Cette odeur,
nous la percevons partout, hélas !"
Loin de ces odeurs fétides et nauséabondes, vraies et
imaginaires, liées à la folie des hommes, ce numéro rend
hommage, de manière originale, au nom de Turenne puisque
Gérard Blondeau et Olivier Fontanieu y écrivent l'histoire
du chocolat Turenne. Après avoir retracé avec Philippe Jean
l'histoire de la mythique GBA dans l'ouvrage que nous avons
édité en 2008,
La Grande Brasserie Ardennaise 1921-1979,
ils récidivent, pour notre plus grand bonheur, en évoquant
les parfums exhalés pendant longtemps par la chocolaterie
Turenne dans les rues de Sedan.
Pour bon nombre d'Ardennais et d'Ardennaises, la couverture
de Simon C. s'ouvrira comme le couvercle d'une boîte sur une
enfance disparue où, de temps à autre, on croquait un
morceau de chocolat Turenne. Toute comparaison gardée, ce
dessin et l'article qu'il incite à lire sont une madeleine
de Proust... ardennaise !
Jacques LAMBERT.