Au fur et à mesure que j'écrivais
l'article qui ouvre ce numéro, il m'est apparu de manière de
plus en plus évidente que nos Éditions, nées en pleine
période de renouveau des confréries comme je le signale,
constituaient, elles aussi, une "confrérie". En effet, dans
les définitions que je cite, on retrouve des mots et des
expressions qui nous correspondent totalement : retrouver
ses racines, attachement à un terroir, à ses richesses,
tradition, être sorti des oubliettes de la mémoire
collective...
Certes, nous ne portons pas de costume
spécifique, mais nous tenons régulièrement deux "chapitres"
- réunions annuelles des membres d'une confrérie - à Launois-sur-Vence,
Lire, boire et manger en Ardennes, et Marché de
Noël et de Saint-Nicolas. Les visiteurs peuvent y
acheter des produits de terroir, gastronomiques et
culturels. En particulier les nôtres, qui explorent
l'histoire et la géographie des Ardennes, depuis plus de 30
ans. Je profite de ce rappel pour préciser -j'ai omis de le
faire dans mon éditorial du n° 121- que notre numéro des 30
ans, paru en décembre et intitulé Les voyages d'Ardouin-Dumazet,
avait pour but, en terminant chaque partie du récit du
journaliste par une série, pas totalement exhaustive, de
renvois aux études que nous avons publiées sur les mêmes
thèmes, de montrer qu'à l'évidence nous empruntions les
mêmes chemins. Mais, pour lui, ils étaient bien réels, alors
que, pour nous, ils sont de mémoire.
Cette récolte de la mémoire ardennaise,
nous n'aurions pu, nous ne pourrions pas l'accomplir si nous
n'avions pas souvent l'appui de bon nombre de nos lecteurs.
Ceux-ci nous offrent leur savoir pour, qu'à notre tour, nous
le transmettions à l'ensemble des personnes qui nous lisent.
Cette évidence, que nous n'oublions jamais, vient d'être
ravivée par la disparition récente et cruelle de quatre
abonnés de longue date de Terres Ardennaises.
À la mi-janvier, Charles Fortier, auteur
d'un article dans notre n°32 sur la naissance de l'aérium
départemental de Pauvres, qu'il avait créé avec son épouse à
la sortie de la guerre, est décédé à l'âge de 94 ans. Une
semaine après, Jean Grulet, de Signy-1'Abbaye, qui nous a
donné pour // y a soixante-dix ans dans les Ardennes
ses souvenirs écrits et photographiques sur sa captivité,
disparaissait à 97 ans. Puis, en janvier aussi et en mars,
Christian Damerose et Jean-Marie Clabeaux, hommes-orchestres
talentueux du Cercle des collectionneurs de Signy-l'Abbaye,
mouraient. Plusieurs fois, ils nous avaient fourni des
documents, plusieurs fois ils m'avaient aidé à donner des
conférences à Signy-l'Abbaye. Le premier avait rappelé dans
leur numéro de novembre, le 78e, les propos du
second, président de leur association, parus dans leur
numéro 1 de 1993 : Notre CERCLE n'est pas une
circonférence fermée, de périphérie réduite, mais une ronde,
une danse où nous convions un maximum de personnes à entrer.
Voilà pourquoi nous ne pouvions être qu'en totale osmose
!
Au moment de boucler ce numéro, c'est le
décès d'Henriette Cocu, l'épouse de notre illustrateur de
toujours, qui vient bouleverser notre association. Elle
avait livré, en compagnie de son mari, de Jean Clerc et de
Raymonde Roger, un beau et fort témoignage sur son enfance,
que nous avons consigné dans Enfances de ?Vaillants?.
Même si elle s'en défendait, avec le sourire discret, timide
mais malicieux et généreux que Pascal Chagot a capté pour la
quatrième de couverture de ce livre, elle avait enrichi
l'histoire ardennaise.
Les confréries liégeoises se définissent
comme, avant tout, une association de personnes
(liées par) un esprit d'amitié et de fraternité. Ce
sont ces deux sentiments que nous ressentons à l'égard de
"nos membres" qui vont nous manquer et que nous souhaitons
aussi adresser à leurs familles.
Jacques Lambert