II est des éditoriaux qui ne sont ni
agréables ni faciles à écrire, celui-ci en est le meilleur
exemple. Tout d'abord parce qu'il annonce la disparition d'un
des piliers des Éditions Terres Ardennaises, Jean Clerc, et,
aussi, celle d'Yves Kretzmeyer, fidèle serviteur des Ardennes.
Ensuite, parce qu'il faut que je persuade le
lecteur, au cas où il ne connaîtrait aucun de ces deux auteurs,
qu'il ne se trouve pas en face d'une rubrique nécrologique qui
ne le concerne pas. Un peu, comme la lecture des avis de décès
du journal local n'arrête pas notre regard puisque les morts de
la journée nous sont inconnus.
Certes, pour Jean Clerc, nous avons multiplié
les témoignages de membres de Terres Ardennaises et d'amis et
d'amies proches. Une lecture rapide peut laisser croire qu'ils
se répètent - ce qui est parfois le cas -, mais j'ai le
sentiment profond qu'au contraire ils se complètent. De toute
façon, c'était bien le moins pour saluer celui pour qui nos
Éditions comptaient tant et à qui il a beaucoup apporté.
Mais, c'est aussi une manière de revenir sur
le patois, dont il était un des derniers à pouvoir dire que
c'était sa langue natale, sur sa conception de la photographie
qui avait irrigué son métier de formateur, et de rappeler ses
actions pour avoir fait vivre localement et nationalement
l'histoire ardennaise en participant à des émissions de France
Culture ou en donnant des objets et outils familiaux au Musée du
Vieux Nouzon et, enfin, de visiter en sa compagnie une dernière
fois les Ardennes.
Ces témoignages sont accompagnés par la
publication de quelques textes qu'il avait consignés -d'une
écriture malaisée à déchiffrer, car il ne voyait presque plus -
sur un grand cahier rouge qu'il nous avait confié.
Deux articles ont été écrits sur des sujets
qui passionnaient Jean : un des « mystères » de l'histoire
ardennaise (Jean-Pierre Penisson), et moi-même, je me suis
penché sur un aspect particulier d'un sujet tragique qui l'avait
fortement marqué : la Grande Guerre dont les récits avaient
bercé son enfance avant que la Seconde n'arrive...
Si la partie consacrée à Yves Kretzmeyer est
plus courte, elle se veut évocatrice de ses multiples talents :
dessinateur, écrivain, scénariste de théâtre, acteur, à travers
lesquels il décrivait, toujours avec verve et truculence, les
Ardennes. La republication de ses planches sur l'histoire du «
veau-garou » parle d'elle-même !
Dans sa « Supplique pour être enterré à la
plage de Sète », Georges Brassens, qui se voyait passer « sa
mort en vacances », plaignait ceux qui gisaient dans des
sépultures renommées :
« Pauvres rois, pharaons ! Pauvre Napoléon !
Pauvres grands disparus gisant au Panthéon ! Pauvres cendres de
conséquence ! Vous envierez un peu l'éternel estivant (...)»
Jean à Nouzonville et Yves à Angecourt
reposent, eux, dans « l'humble » terre ardennaise qu'ils ont si
bien racontée voire magnifiée. N'en déplaise au grand Georges,
leurs cimetières valent bien celui dont il rêvait mais cela
m'étonnerait que ces deux "Vaillants", infatigables travailleurs
de leur vivant, s'y reposent vraiment...