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La revue N° 153-154

 

 

 

N° 153-154 - Mars 2021

 

 

 

L?inauguration du ?Givet-Touriste?

juillet 1908

 Haybes, 11 juillet ? Il est difficile, dans une dépêche, d?analyser les sensations qu?éveillent en nous de merveilleux paysages, de rappeler tant de souvenirs qu?ils évoquent. De notre inauguration dans le bateau le « Givet-Touriste » ? de Laifour à Hastière-Vaulsort (sic), avec banquet à Givet ? nous ferons un récit spécial d?« impression de voyage ». En attendant, voici quelques premiers détails sur cette inauguration.

Départ de Laifour à huit heures et demie. Le bateau en pitchpin, de 25 mètres de long sur 5 mètres de large est tout flambant neuf, mais le toit assez surbaissé des cabines empêche la vue admirable que le voyage promet. On l?enlèvera. Quarante voyageurs prennent place, parmi lesquels on remarque : MM. Gorez et Bossut, du Touring-Club belge ; Thyss, du Syndicat d?initiative de Namur ; Thomas, du Courrier de Bruxelles ; Terme, de L?Express de Liège ; Watrin, Lallement, inspecteur principal de la Compagnie de l?Est ; Mauroy, sous-inspecteur des douanes ; Caudrelier, ingénieur ; Hénon, Javelot, des Ponts et Chaussées ; Dunesme et Bestel ; Briquelet, secrétaire du Givet-Pittoresque ; le colonel Donau ; le président Hottinger, le secrétaire Millet.

En route ! Voici tout de suite les Dames-de-Meuse ensoleillées et comme souriantes. Géologiquement, nous sommes en plein Cambrien, jusqu?à Haybes nous sillonnons la faille creusée dans les schistes noirs de Revin. De Haybes à Givet nous serons dans le Dévonien. Beaucoup de Kodacks (sic) ouvrent sur les paysages l??il curieux de leurs objectifs. Leurs plaques s?impressionnent de nombreux souvenirs de ce voyage charmant et nous réserveront d?intéressantes cartes postales.

Le bateau file sans incident. Malheureusement les bateaux engagés dans les écluses retardent le voyage, notamment à l?écluse d?Orzy, aux turbines Porcher-Druart, devant Malgrétout, la montagne chère à George Sand.

La traversée du tunnel de Revin nous prive de voir la ville qui s?étage dans son admirable cirque.

Des montagnes, les unes tapissées de verdure, d?autres noirâtres, se détachent en éperons de quartzites. Les Kodacks (sic) d?aller toujours.

La boucle de Fumay est la partie la plus pittoresque du voyage. Voici l?écluse Saint-Joseph rappelant la vieille statue du saint ; l?écluse de Luffe, taillée dans le rocher de quartzite dévonien, séjour légendaire d?une folle sorcière. Puis apparaît Fumay que l?on contourne, se distingue la place célèbre de Batty (sic) et sa chapelle Saint-Roch, pèlerinage des amoureuses.

La montagne de Divermont, ancienne abbaye des Hiéronimites, se dresse avec, par endroits, des coupes à pic dans l?ardoise violette.

Sur le quai, une foule nombreuse acclame les touristes et leur bateau neuf qui scintille au soleil. Des bambins courent et applaudissent, deux d?entre eux brandissent le Petit Ardennais Illustré.

L?arrivée à Haybes se fait à midi ; un déjeuner de 40 couverts nous attend à l?Hôtel du Commerce.

 À Haybes

Pendant le bon petit déjeuner, l?Harmonie municipale de Haybes donne concert. Elle nous accompagna jusqu?à Givet et joua agréablement pendant le trajet.

MM. Lempereur et Briquelet portent des toasts. Ils remercient leurs hôtes.

Au départ de Haybes, à deux heures et demie, une foule nombreuse nous accompagne. Le nombre des touristes augmente. Le paysage s?humanise, les monts ne descendent plus directement dans la Meuse. Le rivage, en forme de plaine, s?étend au loin à droite, et la vallée recommencera à Agimont.

Le long du rivage, la foule nous regarde passer et fait des signaux avec les mains, les mouchoirs ; les dames nous envoient des baisers.

À Molhain, on fait halte pour recevoir MM. Funck et Delattre, adjoints à Givet, que va chercher la musique.

Il y a toujours foule sur les quais. La reprise de la route se fait sans incident.

Ralentissement à Fépin, pour laisser voir le paysage, un des plus gracieux de la Vallée.

À l?entrée, le tunnel de Ham, long de 600 mètres, qui évite la longue boucle de Chooz, ce petit jardin si fertile do l?Ardenne septentrionale.

De nombreuses barques attendent à l?avant du « Givet-Touriste » (c?est le nom du bateau), et à l?arrière on met les perches qui, semblables à des bras dont se guide l?aveugle, empêchera le bateau de se heurter aux parois. Elles font contre ces parois un bruit impressionnant de tonnerre. À la sortie du tunnel apparaît Givet avec, dans le coin, son église dont le clocher stupéfiait V. Hugo, et les tours Grégoire et Victoire. En passant devant la caserne de 360 mètres de long, au pied du fort Charlemont les soldats, des fenêtres, nous font une ovation.

Il est six heures et demie lorsque nous entrons majestueusement dans Givet. Une foule nombreuse est sur les quais.

À 7 heures, un banquet est servi à l?hôtel du Mont-d?Haur et les excursionnistes terminent gaiement cette première Journée d?inauguration du « Givet-Touriste ».

Albert Meyrac

Source : Le Petit Ardennais du 12 juillet 1908 ? page 1/4

https://archives.cd08.fr/ark:/75583/s005f30e1229987d/5f6a049c79c5d.

  

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Le banquet du samedi soir

Un excellent et très confortable banquet fut servi aux touristes, à l?hôtel du Mont-d?Or.

M. Fenaux, maire ; MM. Delattre et Funck, adjoints ; le colonel Donau (président du syndicat d?initiative, et non secrétaire, comme faisait dire hier la dépêche) ; Briquelet, Leideinger, secrétaires ; Bestel ; Hanoteau (constructeur du bateau) et Mme Hanoteau ; Javelot ; Bossut ; Gorez ; Meyrac ; Thys ; Lempereur ; Thomas ; Lallement ; Terme ; Berthelot ; Nauroy y assistaient.

M. Bestel, au nom du Touring-Club, est heureux de constater le travail considérable fait par la ville de Givet pour développer le tourisme dans les Ardennes. Pour avoir un bateau, il fallut, dit-il, avoir grande initiative. Il rend hommage à M. Briquelet qui fut la cheville ouvrière, de l?avis de tous, du Syndicat d?initiative de Givet. Il boit, en terminant, à la prospérité du Syndicat.

 Toast du colonel Donau

 M. le colonel Donau remercie M. le maire de Givet au nom du Syndicat d?initiative, les Touring-Club belge et français, M. Lallement, inspecteur principal de la Compagnie de l?Est, à Charleville, Henri Rolland du T. C. F., enfin la Presse belge et française. De son discours qui contient d?excellents passages relatifs au tourisme, à l?organisation et au développement des voyages, nous extrayons le passage suivant : Nous sommes à la veille d?en donner une nouvelle preuve plus objective en formant une Fédération des Syndicats d?initiative et d?attraction de la vallée de la Meuse franco-belge. Cette institution nouvelle est une nécessité. Les touristes à la recherche des beautés naturelles et monumentales visitent, en effet, une région, sans se préoccuper des limites que la politique y a tracées. Pour les attirer, leur faciliter le voyage ou le séjour, il y a donc un intérêt majeur à ce que tous les syndicats de l?unité touristique qu?est la région travaillent en commun. Dans l?avenir, nous pousserons plus loin l?esprit d?association internationale, car je considère que la Fédération des Syndicats de la Vallée de la Meuse n?est qu?un premier pas vers la fédération ultérieure  de tous les Syndicats de l?Ardenne, c'est-à-dire de la grande région géologique et pittoresque, très homogène, qui est limitée au nord par la Sambre et la Meuse, au sud par la Sormonne et la Chiers.

Ce grand massif ardennais est coupé de Mézières à Namur, presque dans son milieu, par la superbe avenue de la Meuse, chemin d?accès naturel et parcours intérieur le plus fréquenté, sur lequel s?embranchent toutes les voies de pénétration secondaires : rivières, chemins de fer, routes. L?achèvement de l?organisation touristique de cette vallée-maîtresse s?impose donc au premier chef dans l?intérêt général de la région entière. En ce qui concerne les chemins de fer, la mise en marche de trains d?excursion, la création de billets d?aller et retour utilisables sur les bateaux pour un trajet, quelques améliorations d?horaires sont désirables. Le service de navigation, qui fonctionne de longue date entre Namur et Vaulsort, est maintenant prolongé jusqu?à Laifour ; il le sera l?an prochain jusqu?à Monthermé, porte ouverte sur l?Ardenne belge par la magnifique vallée de la Semoy et charmant lieu de séjour pourvu de bons hôtels ; il atteindra peut-être plus tard Mézières. Quant aux routes, quelques entrées et sorties de localités sont à améliorer, mais, avant tout, il importe au plus haut degré d?ouvrir une voie carrossable, automobile et cycliste, aux pieds des Dames-de-Meuse, entre Revin et Laifour.

Si long que soit ce programme, il est loin d?être complet. Entre autres choses, il ne nous échappe pas qu?il y a lieu d?aménager les hôtels et bonnes auberges de la Vallée, qui doivent être convenablement échelonnés et de prix accessibles au grand public ; qu?il est utile de perfectionner et de multiplier les voies de pénétration du massif ; qu?il est intéressant de prévoir des lieux de villégiature d?été sur nos plateaux de moyenne altitude, dans nos villages forestiers si sains et si pittoresques ; qu?il est avant tout d?une importance capitale de consacrer toutes nos forces au reboisement qui embellit, assainit et enrichit, à la conservation de nos sites admirables, de nos monuments et de nos ruines, qui sont la source de nos richesses et le fondement de nos espérances.

Notre tâche est lourde et cependant nous envisageons l?avenir avec confiance, parce que nous travaillons sur un sol fécond, parce que tous les vrais c?urs ardennais nous approuvent et nous attendent, parce que l?initiative privée boit les obstacles, parce que nous nous appuyons sur le concours de deux puissants Touring-Clubs, de nos élus et de l?administration.

 Autres toasts

 M. Fenaux, maire de Givet, remercie le Syndicat d?initiative de sa gracieuse invitation. Il constate le triomphe de cette belle journée qui consacre les précieux résultats obtenus par Givet-Pittoresque. M. Fenaux félicite cette société pleine d?activité et boit à sa prospérité.

M. Thyss, délégué du Syndicat d?initiative de Namur, au nom du président Greysson de Schooat remercie à son tour et constate l?étroite solidarité entre les des Syndicats de Givet et de Namur et fait entrevoir une Fédération des Syndicats d?initiative ardennais et belge.

M. Gorez, au nom du Touring-Club belge, boit à la prospérité du Givet-Pittoresque. M. Bossot, aussi délégué du Touring-Club belge, boit à la France, nation amie et s?ur. Il boit à M. Lempereur, non un Napoléon quelconque, mais un directeur dévoué du service du syndicat. Il boit aussi au Touring-Club de France, initiateur et modèle du Touring-Club belge.

M. Thomas boit à Mme Hanoteau, la seule dame qui voulût être l?ornement du banquet et aussi aux autres dames qui n?assistent pas au banquet, mais furent la joie de ce premier voyage. Il boit également à leurs enfants qui furent également de l?excursion.

Les toasts sont terminés. Plusieurs des convives prennent rapidement la parole pour rendre hommage à M. Briquelet, sans lequel tant de choses n?auraient pas réussi.

II est 10 heures. D?un commun accord tous les convives vont au café de l?Europe boire sur la terrasse de la bière fraîche en savourant aussi la fraîcheur qui vient de la Meuse et des monticules d?en face. Cette journée de samedi fut terriblement chaude. Elle s?annonce dimanche malin comme devant n?être pas moins chaude, au moment où les touristes de l?excursion vont aux grottes de Nichet, grottes que nos lecteurs connaissent, soient qu?ils les aient vues, soient qu?ils en aient lu plusieurs fois la description détaillée dans le Petit Ardennais.

À deux  heures et demie aura lieu le départ pour Hastières, Vaulsort, où se terminera cette  inauguration  qui fut un succès du  bateau Givet-Touriste et dont le Syndicat givetois d?initiative doit être légitimement fier.

A. MEYRAC

Source : Le Petit Ardennais du 13 juillet 1908 ? page 1/4

https://archives.cd08.fr/ark:/75583/s005f30e12299a6b/606cc82ef34b5.

 

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Avec ce troisième et dernier article (les deux premiers envoyés par dépêche), je termine le récit de cette attrayante inauguration. Ce fut, dans la matinée du dimanche, une excursion aux grottes de Nichet, que trouvèrent curieuses et méritant d?être visitées, ceux des touristes ne les connaissant pas encore ; mais nous les avons trop souvent décrites ici-même pour qu?il soit inutile de les y re-décrire.

Il est maintenant deux heures de l?après-midi, et le bateau qui doit repartir de Givet à deux heures et demie pour Hastière-Lavaux n?en est pas encore revenu. La faute en est aux écluses qui retardent sa marche ; quelquefois, il lui fallut attendre trois quarts d?heure que des gabarres eussent passé. Mais cela n?arrivera plus, les éclusiers maintenant, ont ordre de faire passer le premier, parce que service public, le « Givet-Touriste ». Sur le quai du petit port givetois, les curieux, surtout les charmantes curieuses, quelques-unes en fraîches toilettes blanches (pour un peu plus je chanterais la romance de Marie : « Une robe légère? », tout justement du Givetois Méhul, et les futurs partants se promènent.

Cette animation inusitée dans la ville un peu morte, en temps ordinaire, de Givet, donne de l?attrait à ce paysage que traverse la Meuse. Sur elle reposent, à l?ancre, une douzaine de gabarres mâtées et pontées et deux remorqueurs noirs de la fumée d?hier. D?une des arches du pont débouche un autre remorqueur traînant trois longs bateaux chargés d?écorces, que des cafés d?en face on « voit passer tout en vidant son verre », comme dans Faust. Dans le plan du fond, semblant cercler le port ainsi qu?un lac, les monticules revêtus d?une verdure de fête. S?avançant, gigantesque angle grisâtre dans le fleuve, l?ancien corps de garde, mélancoliquement flanqué de deux grands débris (se consolent-ils entre eux ?) de la porte Charbonnière. Sur les herbes tapissant les pierres du quai, les musiciens de la fanfare Givetoise, qui donneront un concert le long de la traversée, laissent dormir autour de la grosse caisse, semblant être une mère couveuse, leurs instruments dont le cuivre, furieusement astiqué le matin, reluit au soleil.

Un soleil traître ! Il nous prépare un orage, avec ses complices, certains nuages sombres qui grandissent et s?épaississent sournoisement.

En attendant le bateau qui se fait toujours désirer, coquettement, comme une jolie femme, quelques touristes ont plaisir à recevoir les premières épreuves des cartes postales illustrées qu?avaient prises la veille M. Winling. Elles sont charmantes ces cartes et seront pour ceux de l?inauguration, un agréable souvenir. Il commence à se faire tard. Décidément, je n?irai pas à Hastière, me méfiant de ne pouvoir prendre le train qui me ramènerait à Givet. Et comme j?eus raison ! Un peu après cinq heures, alors qu?était parti le bateau, entraîné et par sa machine et par une sélection de Rigoletto que jouait la fanfare, la pluie torrentielle s?abattait sur Givet avec, pour accompagnement de basse, les roulements du tonnerre.

Oh ! comme je me réjouissais de ne m?être point embarqué ! Aussi bien, l?excursion officielle était terminée. Mais ce mot « officielle », n?est-il pas un bien gros mot, si j?en songe à l?accueil cordial, entouré de prévenances, que firent à leurs invités ces messieurs du Givet Pittoresque et du Syndicat d?initiative ? Puisse un jour, le « Givet-Touriste » arriver jusqu?à Monthermé, au c?ur même de la Vallée de la Meuse, et surtout aussi jusqu?à Charleville. Que d?excursionnistes ils y rencontreraient ! Nous savons d?ailleurs que tel est le désir du Syndicat. Un désir qui se réalisera, parce que, déjà, il est obsession chez ces Givetois « d?initiative ».

Sur ce pimpant vapeur, aurai-je encore l?heureuse occasion de retrouver mes trois confrères belges : Thomas, du Courrier de Bruxelles ; Terme, de L?Express de Liège, et Thyss, de Namur, qui furent trois spirituels compagnons de route.

Albert Meyrac

Source : Le Petit Ardennais des 14 et 15 juillet 1908 ? page1/4

https://archives.cd08.fr/ark:/75583/s005f30e12299c4f/5fbaeb7a9c183.