Éditorial

Il y a 85 ans, l’évacuation des Ardennes !

Je commencerai par cette information qui ne se veut en aucune manière une marque appuyée d’autosatisfaction, mais qui est la preuve que nos livres sur l’histoire des Ardennes sont toujours utiles, même bien des années après leur parution ! Au château de Javarzay¹ (Chef-Boutonne), à 21 h 30, sera proposé au public les 24, 25, 26, 27 et 31 juillet puis les 1er, 2 et 3 août, un Son et Lumière baptisé « L’Exode des Ardennais ». Il est basé sur « la rencontre, puis la cohabitation, de deux familles, celle d’un bûcheron ardennais et celle d’un paysan du Pays mellois. » Son auteur, Patrick Béguier, dans la fiche de présentation de son spectacle n’omet pas de signaler l’apport du livre que nous avons édité en 1990 : Les Ardennais dans la tourmente, de la mobilisation à l’évacuation². Ce spectacle en Vendée me rappelle, avec une vive émotion, la belle collaboration menée avec nos amis du Cercle Pierre Bayle de Sedan pour le spectacle « Ardennes mai 1940 », donné sept fois dans la cour du château fort de Sedan au début du mois de septembre 1990 ! Je souhaite à « L’exode des Ardennais » le même succès que son aîné. Mais si le livre Les Ardennais dans la tourmente, de la mobilisation à l’évacuation est si riche, c’est parce qu’il est, d’une certaine manière, écrit par les témoins, dont nous avions méticuleusement organisé les récits.

Ce numéro s’ouvre par un nouveau récit inédit d’exode qu’a trouvé Sylvette Pierre d’Étrèpigny dans le grenier de la maison familiale. Il est impossible de ne pas lire d’une traite ce chemin de croix d’une jeune mère qui a deux enfants et deux vieillards à charge, livrée presque toujours à elle-même. Il est l’écho des témoignages qui nourrissent l’ouvrage Nouzonville, quand on a évacué³, sorti le 12 mai 2025. Ce récit de Mme Geneviève Pierre-Commas est suivi d’un article présentant le camp d’internement de Tagnon où les Allemands enfermèrent plusieurs milliers d’Ardennais, dès le 1er juillet quand ils décidèrent que les Ardennes devenaient « zone interdite » ! Si, dans ce texte, je reprends des informations déjà parues dans plusieurs articles que j’ai écrits dans des ouvrages maintenant épuisés, les images du camp fournies par Michel Pion sont aussi inédites que remarquables !

Mais bien d’autres sujets sont traités dans ce numéro, à commencer par la toujours riche présentation des apports des Archives départementales et la suite du portrait d’Alphonse Taffet. Au sujet de la série d’articles sur cet anarchiste syndicaliste, notre ami et précieux collaborateur d’Euskirchen, Reinhold Weitz, m’a écrit : « Les articles sur les mouvements syndicalistes m’ont rappelé une grève des tisseurs en 1905 qui avait paralysé la vie publique à Euskirchen. » Comme quoi, l’histoire commune de la France et de l’Allemagne n’est pas uniquement guerrière !

Trois articles auraient pu être classés dans un dossier qui se serait intitulé : « L’Église... et les églises ». L’Église pour le récit du procès opposant le curé de Mazerny à son seigneur qui revêt un côté surréaliste indéniable et pour la découverte récente d’une version manuscrite de l’Abrégé Chronologique de l’Histoire de la Ville de Mouzon, écrite par le religieux capucin Fulgence Richer. Les églises, avec la recension des faits divers variés qu’elles ont subis pendant 75 ans : guerre de 1914-1918, cyclone de 1905, orages, accidents d’ouvriers, etc., relevés dans sept journaux. Dire que l’auteur s’est livré là à un travail de bénédictin est une évidence...

Jacques Lambert

1 https://www.chateau-javarzay.fr/
2 GIULIANO (Gérard), LAMBERT (Jacques), ROSTOWSKY (Valérie),
3 COCU (Simon), LAMBERT (Jacques), Nouzonville, quand on a évacué, 2025, Éditions Terres Ardennaises, 113 pages.