Charles Bruneau, né à Givet en 1883, est le spécialiste incontesté des parlers des Ardennes. Après des enquêtes, menées avec des moyens modernes qui lui permettent d’enregistrer ceux et celles qui utilisent le patois, il publie ses recherches sous le titre Enquête linguistique sur les patois des Ardennes en deux tomes, sortis l’un en 1914 et l’autre en 1926.

Alors qu’il est un universitaire reconnu – il vient d’être nommé à l’Université de Nancy –, il s’engage comme simple soldat et a en charge, grâce à sa bonne connaissance de la langue allemande, l’interception des messages de l’ennemi.

À la fin de la guerre, il écrit un manuscrit à partir du journal qu’il a tenu et des correspondances adressées à sa famille et à un ami. C’est ce journal, resté inédit, que nous publions plus de cent ans après sa rédaction ! Charles Bruneau, doté d’un humour souvent ravageur, raconte sa guerre d’une manière totalement originale.

S’il ne cache rien d’un quotidien toujours dangereux, des peurs qui l’ont assailli, des nombreuses horreurs qu’il a rencontrées, etc., il n’hésite pas à faire état de ses détestations profondes : l’armée anglaise, Clemenceau, certains officiers... En revanche, il met en avant le sens de l’efficacité et de l’organisation de l’armée allemande, qu’il n’est pas loin d’admirer.

À quelques rares moments, certains de ses jugements, avouons-le, ne manquent pas d’étonner voire de choquer. Il faut, pour comprendre qu’il ait pu penser ainsi, appréhender le fait qu’il était un homme de son époque, avec des préjugés et des a priori, presque partagés par tous.

Charles Bruneau avait tenu à mettre en annexe de son manuscrit les Notes prises par son oncle, Raymond, caissier de la Caisse d’Épargne de Givet, sur l’occupation allemande de Givet pendant la Première Guerre mondiale. Nous avons décidé de publier ce journal inédit, en l’illustrant d’une vingtaine de cartes postales commentées, car, sur cette très longue occupation de 52 mois à Givet, il complète les divers témoignages déjà publiés sur la vie dans cette ville pendant la Grande Guerre.