Conception
graphique et montage : Jean-Marie Jolly
Du poids des mots
et de celui de la réalité !
Hier a commencé le « déconfinement progressif » qui se
traduit pour nous maintenant par une parution seulement
hebdomadaire de ce Journal de confinement, le mardi,
jusqu?au 14 juillet compris. Mais les numéros à venir, que
nous souhaitons toujours variés, instructifs, amusants et
incitant à la promenade dans les Ardennes? seront un peu
plus conséquents.
Sans vouloir en aucune manière ni minimiser la crise que
nous traversons qui n?a cependant pas pesé de la même
manière sur l?ensemble de notre territoire ? être confiné
dans la banlieue parisienne ou dans la campagne ardennaise
ne se vit pas de la même façon ?, ni oublier les trop
nombreuses personnes malades, décédées et le rôle
extraordinaire tenu par tous les « premiers de corvée » dans
les domaines de la santé et de la vie quotidienne, il me
semble qu?au regard de ce qui s?est passé il y a 80 ans en
France et, en particulier, dans les Ardennes, un certain
vocabulaire n?aurait pas dû être employé.
Vous comprendrez aisément ce que je veux dire en lisant nos
écrits sur l?exode.
Il me faut insister sur un point : en ce moment, les enfants
sont ? du moins il le semble ? moins affectés par la
maladie. En mai 1940, comme l?article « Quelques enfants
dans l?exode » le prouve, ils étaient bien en première
ligne, à côté de leurs mères, leurs pères étant au front, et
de leurs grands-parents.
Les scientifiques se ?disputent? sur le fait qu?une deuxième
vague de coronavirus est possible ou pas. Or, cette
évacuation de 1940 était, mais bien plus amplifiée, une
seconde vague après celle d?août 1914? C?est pourquoi est
publié le récit d?un autre enfant, Ernest Singevin, âgé de
13 ans en 1914, de son exode de Charleville, qui montre dans
quel monde horrible et dangereux il a dû vivre.
Ernest Singevin a écrit que, le 25 août 1914, sa mère a
rempli deux taies d?oreiller « de ce qu?elle a de plus
précieux ». En 1940, dans les Ardennes, des sacs sont bâtis
avec des torchons neufs et des toiles à matelas achetées
pour l?occasion. Micheline Paulus s?est souvenue :
« Pressentant l?occupation, ma mère, qui avait connu, à onze
ans, l?occupation sous la férule des Uhlans, vida la plume
des oreillers et la remplaça par des vêtements. Elle cousit
des bretelles et les transforma en sacs à dos ! »
En 1914 et 1940, c?était vraiment la guerre? au début de
laquelle on se prépare, tant bien que mal, à la « grande
fuite ». Ce qui, vous en conviendrez, n?a rien à voir avec
un confinement.
Jacques Lambert
En
1940, précise Anne-Marie Bouquignaud, née Caviard : « Les
sacs à dos cousus par ma mère dans des toiles à matelas
étaient prêts. Tout le monde en avait un, même les
enfants ! »
Mardi 12 mai 2020
Après 55 jours confinés le 2e jour
de déconfinement
La pensée du jour
« Dieu a inventé le chat pour que l?homme ait un tigre à
caresser chez lui. »
Victor Hugo
Commençons en chansons...
Lettre à Jules Leroux - Bruno Pia
_________________________________
LE BAL À JOJO
Mistral gagnant
Énormément de bonnes choses à regarder sur ce blog, en période
de confinement ou non !
Lè arnicots
Se
promener avec Terres Ardennaises
Nous étions? à
Rimogne
Selon Loïc Delafaite
(voir fin de l?article), le chevalement métallique de
Saint-Quentin a été construit pour supporter « un ascenseur
qui va permettre de descendre les ouvriers et de remonter
les berlines de pierre ». Le puits est d?abord remonté à
partir de 1958, ensuite il est fait appel « à la société
Vernot et Cie, une entreprise de constructions
métalliques basée à Onnaing dans le Nord, pour construire le
nouveau chevalement. L?entreprise intervient normalement
pour ses chevalements de mines de charbon ».
L?inauguration a
lieu le jour de la Sainte Barbe ? patronne des
sapeurs-pompiers, mineurs et artificiers ? le 4 décembre
1961. Après une messe célébrée par Monseigneur Marty,
archevêque de Reims, la statue de la sainte est conduite
dans le chevalement. Moins de dix après, le 15 juillet 1971,
les Ardoisières des Ardennes licencient 137 ouvriers et
ferment.
Les dernières
ardoisières des Ardennes ont fermé en 1971, il y a presque
50 ans. Ainsi se terminait une exploitation vieille de près
de 1000 ans !
À
tous
ceux qui prendront
connaissance de cette
lettre,
Hugues
et Gilles,
son
fils premier
né,
seigneur de Montcornet
et
du Châtelet,
donnent
le
salut
en Dieu,
Votre communauté
saura
que,
considérant
l'amitié
que
l'Église
de Signy
avait
eue
et avait depuis
longtemps
envers nous et nos ancêtres,
et
que
nous avions
en
retour
pour
elle,
nous
avons
fait
don
à
cette
même Église
en perpétuelle
offrande
toutes les
facultés
de
faire
et de prendre des
ardoises
à volonté
et partout où
on
aura
pu en trouver aux alentours
de Rimogne
et
sur
l'ensemble
de nos terres,
c'est-à-dire
de Montcornet
et
du Châtelet;
avec les
choses
nécessaires
pour la fabrication
des
ardoises;
ceci
étant,
votre
communauté
saura cependant
qu'elle
ne pourra pas
travailler
dans
le
même temps et en une
seule fois,
excepté
dans
une
seule ardoisière,
ceci étant
arrêté
seulement pour
nous-mêmes
et nos
héritiers,
en
échange
d'une
concession
de cette nature,
la communauté
mentionnée
ci-dessus
sera
tenue
de payer six
deniers
uniquement
en monnaie
parisienne
pour
chaque millier
d'ardoises.
Cependant,
s'il
se
produit
qu'il soit exigé ou
reçu
de
la part
d'autres
exploitants
pour un millier
d'ardoises
plus
de
six deniers,
on ne
pourra
rien
exiger
ou recevoir
de plus de la
communauté
de
Signy.
Quant à l'ancienne ardoisière
qui se trouve entre Rimogne et le
Châtelet
que
l'Église de Signy avait en toute liberté avant cette
concession,
elle
ne
tombe
absolument pas sous cette
condition,
mais elle conserve
son entière franchise.
Nous avons
concédé
également
à la susdite communauté de Signy qu'ils
prennent,
pour leur
local d'exploitation
des ardoisières,
en
toute liberté et tranquillité,
sans
aucune taxe,
dans nos forêts,
le bois de chauffage,
c'est-à-dire
les bois tombés,
quelle
que soit leur variété et ce que l'on
appelle communément
le bois mort; par ailleurs, nous pensons qu'il
faut considérer
comme bois mort celui
qui ne porte pas de fruits
comestibles,
contrairement
au chêne, au hêtre,
au pommier,
au
prunier
et au cornouiller ...
Traduction
effectuée
par des élèves de 3e
1
de Jean Macé, sous la direction de
Madame RENNESSON,
__________________________
Nous avons consacré en 1985 un numéro hors série sur les
sites de Deville, Fumay, Haybes, Monthermé et Rimogne qui a
la particularité d?avoir été écrit par des collégiens du
Blanc Marais (Rimogne), de Jean Macé (Charleville-Mézières),
des ?Deux Vallées? (Monthermé) et des lycéens de Sévigné
(Charleville-Mézières). Ce travail avait été initié par
quelques professeurs membres des Éditions Terres
Ardennaises, rejoints par des collègues ayant apporté leur
savoir-faire et leur enthousiasme.
Deux années plus tard, nous éditions une ?somme? ? 256 pages
? écrite par Léon Voisin1 ;
« Les Ardoisières de l?Ardenne2 ».
L?absence d?un ?s? à Ardenne est la preuve que le schiste ne
s?arrêtait pas à la frontière franco-belge et qu?il fallait
raconter la longue histoire de l?exploitation ardoisière
dans l?Ardenne française et l?Ardenne belge.
Voici les premières lignes d?introduction du livre de Léon
Voisin :
« Comme au Pays de Galles, en Galicie espagnole ou dans le
Massif armoricain, la proportion importante des secteurs
schisteux qui font partie de l?Ardenne vouait cette région à
l?industrie ardoisière.
Du Plateau de Rocroi aux Hautes-Fagnes, celle-ci est très
vite devenue une activité fondamentale. Dès la Moyen Age,
les écailles, les ?scailles? plus exactement, ont alimenté
un véritable commerce sur la Meuse. Du XVIIIe au
XXe plus de trois cents points d?extraction ont
pu être dénombrés? Il y en eut sans doute beaucoup d?autres
dont il ne reste aucun souvenir car, dans ce pays pauvre aux
sols acides, l?homme sollicitait âprement une nature peu offrante. La multiplication des tentatives d?extraction et
celle des abandons trahissent les espoirs déçus. Les zones
riches, c?est-à-dire les bassins ardoisiers rentables, ont
rapidement concentré les efforts des exploitants qui,
intuitivement, sans autre connaissance géologique que
l?expérience acquise dans un affrontement direct avec le
sous-sol tourmenté, ont suivi les ?veines? et pénétré de
plus en plus profondément sous terre, guidés par l?allure de
lits prometteurs.
Ce fut un travail étonnant, exclusif, repris de père en fils
avec des moyens dérisoires? Un travail dangereux, ne
pardonnant pas la moindre imprudence, tuant à l?improviste
ou faisant payer, jour après jour, par une dégradation
progressive de la capacité pulmonaire le droit d?extraire la
belle ardoise, plane, mince et sonore, capable de durer des
siècles sur un toit d?église ou sur celui des maisons un peu
tristes qu?elle accordait au paysage avec ses gris, ses
verts et ses violets. »
Le numéro hors série de la revue et le livre de Léon Voisin
sont épuisés. Ils peuvent être en vente chez des
bouquinistes ardennais et/ou peuvent se trouver sur des
brocantes.
Un livre fort
complet et très agréable à lire, gros de presque 400 pages,
est paru en 2018.
Il a été publié à compte
d?auteur et coûte 25 ?.
Renseignement à la
mairie de Rimogne. Mais il doit aussi être en
vente à La Maison de l?ardoise de Rimogne.
Poudre d?ardoise achetée au Conservatoire des ocres et de la
couleur à Roussillon (Vaucluse). La visite dans l?usine
Mathieu, ancienne usine d?ocre, est passionnante.
Réunir Sedan à Bouillon par un lien tangible? Un rêve qui
allait devenir réalité quelque deux siècles et demi après la
fin de la principauté de Sedan qui réunissait ces deux
cités.
Plus qu'un impératif économique, la création d'un chemin de
fer international, reliant les deux communes amies, prenait
une valeur hautement symbolique.
Appelé "Bouillonnais" chez "nous autres" Français, il
s'appela tout simplement le Vicinal chez les Belges.
Contrairement au réseau ardennais, la voie métrique fut
adoptée pour pouvoir se raccorder au réseau belge, quelques
kilomètres avant Corbion.
Au pied du Palatinat, vestige des fortifications de Sedan,
le convoi est arrêté devant la station de Sedan-Balan ; un
train bien court composé de 2 ou 3 voitures de voyageurs,
avec plateforme pour mieux profiter du paysage.
La gare de Givonne, avec son équipement rudimentaire. Le
bâtiment voyageurs est le même pour les diverses stations,
sauf à Olly, gare internationale perdue dans ce sympathique
hameau au fin fond de la vallée de la Givonne. Pas de quai,
une voie d'évitement, une autre de garage. Ne pas croire que
tous les enfants vont prendre le train. Ils sont venus pour
figurer sur la photographie, comme cela s'est déjà produit à
Daigny.
Une ligne à la fois courte (12 km de Sedan à Olly) et
éphémère : inaugurée en 1910, le pont sur la Meuse est
dynamité en 1914. Un service partiel reprend en 1919 puis,
avec la reconstruction du pont sur la Meuse en 1922, le
trafic couvre l'ensemble de la ligne pour s'arrêter en
1930, des autobus prenant la relève.
Gérard
Blondeau
Lire :
Gérard Blondeau, « Le
Bouillonnais », Terres Ardennaises n° 11,
juin 1985, p. 1-9.
clic
sur l'image >>>>
Carte
postale :
Plus cher que l'or
Dans les années 1895-1914, l'on s'échangeait des cartes
postales comme aujourd'hui des SMS, c'est-à-dire pour un
rien. Plusieurs millions furent mises en circulation,
actuellement très recherchées des collectionneurs.
Certaines, plus rares que d'autres, se négocient à des cours
exceptionnels. Exemple cette belle carte représentant Victor
VAUCHER de LIART, avec sa petite boutique. Pour notre
région, c'est un record, puisque la première vendue a
atteint le prix de 2010 euros, au moins six fois plus cher
que l'or, la seconde 452 et la troisième 340. À vos albums
!
Gilles Caruel
L?exode
des Ardennes en mai 1940, Poix-Terron
Ce tableau avait été peint par, Henri Quinard, le père de
Mme Rolande Biver-Quinard, qui me l?avait montré en 2010 pour le
reproduire dans le n° 111, consacré à Mai 1940. Au décès de
son épouse, Robert Biver me l?a très gentiment offert mais
j?ai trouvé qu?il avait plus sa place au Musée Guerre et
Paix en Ardennes que dans mon bureau. C?est cependant avec
regret que je m?en suis séparé !
Henri Quinard tenait une limonaderie à Charleville1,
au 26 de la rue Victor Hugo, actuellement rue Louis Jouvet.
Lorsqu?il est arrivé à Moncoutant (Deux-Sèvres), Henri
Quinard s?est rendu chez un marchand de fruits et légumes
pour récupérer une planchette de bois. Il a peint dessus ce
tableau qu?il a baptisé L?exode à Poix-Terron.
Tout à la gauche du tableau, la vieille camionnette de
l?entreprise. Mme Rolande Biver m?avait raconté en
souriant : « Nous sommes partis avec de la limonade et un
régime de bananes en guise de provisions. La camionnette
chauffait terriblement et les deux chauffeurs, qui se
relayaient, s?arrêtaient souvent dans des granges pour
remettre de l?eau dans le radiateur. Comme, à chaque fois,
ils avaient droit à un petit verre d?eau-de-vie, vous
imaginez que, le soir, la camionnette n?allait plus droit
sur la route ! »
Ce tableau, d?une naïveté toute authentique, est très
précieux car il est une « photographie » fidèle de l?exode.
La route est emplie de charrettes, de vélos, de brouettes,
de poussettes, d?autos et de piétons que le bombardement des
lignes de chemin de fer à Poix-Terron a jetés sur la route.
Trois spahis se replient, ils se battront sûrement à La Horgne...
Dans le ciel, un avion allemand menaçant. Anne-Marie Caniard
(épouse Bouquignaud) de Braux dira2
que, pendant les bombardements de l?exode, « les manteaux
des femmes avaient tellement été tiraillés par les enfants qui
s?accrochaient à leur mère que beaucoup avaient perdu leurs
boutons ».
Lire :
Gérard Giuliano, « Sur les routes de l?exode
- Poix-Terron sous les bombes », Terres Ardennaises n°
9, décembre 1984, p. 50-53.
clic
sur l'image >>>>
Une des raisons
pour lesquelles la quasi-totalité de la population
ardennaise a évacué en quatre jours est le souvenir de
l?invasion allemande de 1914-1918. Le parallèle était
évident, mais, comme l?a consigné dans ses carnets de guerre
le jeudi 17 mai 1940, Henri Manceau : « Et ça allait 100
fois plus vire qu?en 1914. »
Il me semble
intéressant de mettre en parallèle avec ce tableau et
l?article de Gérard Giuliano, évoquant l?année 1940, le
récit d?Ernest Singevin, Carolopolitain de 13 ans, de son
exode commencé le 25 août 1914.
Jacques Lambert
1 Dominique Mariage, « La
limonaderie Quinard », Terres Ardennaises n° 140,
octobre 2017, p. 16-21.
2 Jacques Lambert, « Quelques
enfants dans l?exode? », Terres Ardennaises n° 111,
Mai 1940?, juin 2010, p. 44-50.
Lire :
Jacques Lambert, « Quelques
enfants dans l?exode? », Terres Ardennaises
n° 111,
Mai 1940?, juin 2010, p. 44-50.
clic
sur l'image >>>>
Visitez le site et le musée >>>>
L?exode d?Ernest Singevin, parti de Charleville,
dans la nuit du 25 au 26 août 1914
Collection
Dominique Mézières.
Document René
Garreau.
Le 25 août, les ponts de Charleville sont détruits pas
l?armée française. Ernest Singevin a entendu les explosions.
Ses incessantes promenades en ville lui font remarquer que
le pont suspendu entre Charleville et Montcy a également
sauté : « Ses poutrelles de fer émergent de la Meuse que
l?on traverse en barque. » À Mézières, il observe des
soldats en train de miner les deux ponts, les habitants des
maisons voisines de la Meuse sont évacués.
Collection Jean
Coste.
Collection
Dominique Mézières.
Collection Jean
Coste.
Collection
Dominique Mézières.
(?) Ernest Singevin écrit qu?à 22 h des rumeurs et des cris
courent la ville : il faut l?évacuer, car elle va être
bombardée.
(?) M. et Mme Karleskind indiquent que c?est à 23 h, que les
habitants ont été prévenus à « son de caisse » qu?il leur
fallait se réunir à 1 heure du matin sur les places. Maurice
Gervais est plus précis : les personnes valides doivent se
rendre sur le plateau de Warcq, tandis que se réuniront
place Ducale « les impotents et les valétudinaires
(malades), à la disposition desquels ont mis quelques
voitures, chars à bancs et carrioles que l?autorité
militaire avait laissés en dehors des réquisitions ».
La population de Charleville ? selon M. et Mme Karleskind,
il ne serait resté que 125 personnes sur ses 25 000
habitants, selon le préfet, 15 000 personnes, soit les deux
tiers, seraient parties ? quitte la ville en deux colonnes
que présente Émile Marlier. Les récits des tribulations de
la première, qui se serait ébranlée à 22 h, sont empruntés à
Albert Meyrac qui en était membre. Constituée d?environ
10 000 personnes ? des Carolopolitains, des Belges et des
habitants des villages des alentours, elle s?en va par
Tournes, Cliron et Lonny en direction de Liart. Portant des
baluchons, poussant des brouettes chargées de hardes et de
provisions, « le lamentable troupeau des déracinés » acclame
la troupe qu?elle doit parfois laisser passer. Des
plaisanteries fusent parfois, qui évacuent la nervosité
ambiante née d?une situation dramatique : une femme
accouche, un enfant meurt dans les bras de sa mère. À
Tournes, les plus exténués, et ils sont nombreux, s?assoient
sur les talus, dans l?espoir de monter dans un train. On en
annonce un à Liart, mais ce bourg est encore à 30
kilomètres. Cliron où la petite école accueille un poste de
soldats est atteint à l?aube du 26 et Lonny le 27 à 7 heures
du matin. Émile Marlier s?indigne qu?alors « des gens
montent sur les toits pour voir la destruction de
Charleville ».
Sur sa route, le groupe croise des lanciers belges gaulant
des pommes. Une partie des réfugiés peut prendre un train à
Liart, qui part vers midi, mais la majorité ne peut
poursuivre plus loin et s?en revint immédiatement sur leurs
pas.
(?) Dès l?annonce de l?exode, la maman d?Ernest remplit deux
taies d?oreiller « de ce qu?elle a de plus précieux » alors
qu?Ernest prend son sac de scout. Il mentionnera :
« J?emporte ce carnet, qu?aurais-je à y inscrire dans
quelques jours ! » La mère et le fils se rendent à La
Bellevue du Nord, par des rues où règne la panique, endroit
où ils devraient recevoir des instructions du maire. Ils y
sont rejoints par de nombreuses familles poussant des
charrettes alourdies de bagages et des voitures transportant
des vieillards incapables de marcher ; des mamans portent
leurs enfants. Ernest Singevin écrira : « Jamais je
n?oublierai cette nuit, longtemps j?aurai présent dans la
mémoire cette panique où des enfants ayant perdu leurs
parents les réclamaient en pleurant? du Moulin à Vent à la
Bellevue du Nord, tout ce monde est campé, on attend le
maire qui doit nous guider. Des gens disent que l?on va
aller se réfugier dans les bois des environs et que l?on
reviendra à Charleville quand le bombardement sera terminé.
Un bombardement ! Comment allons-nous retrouver notre
maison ? »
L?attente se prolongeant, des habitants retournent chez eux,
Ernest aussi mais pour prendre leur brouette, après en avoir
cherché une en vain. Ils ont pour compagnon un boy-scout qui
avait suppléé la police, comme je l?ai indiqué dans le
chapitre précédent. Par crainte de représailles allemandes,
on lui fait cacher son uniforme. Quelques personnes s?en
vont déjà vers Launois, où il pourrait être possible de
prendre un train.
Bouchez-Leheutre [le maire de Charleville] arrive vers 1
heure du matin et il est pris à partie par des « gendarmes
belges qui l?accusent termes vifs de leur avoir fait enlever
leurs armes et même qu?on leur a pris leurs paquets de
pansement ».
La colonne part dans cet ordre rapporté par Émile Marlier :
en tête, un adjoint, Fouquet, au centre un autre adjoint,
Vassal, de place en place, un conseiller et en queue le
maire, qui n?a emporté qu?un peu de linge, pensant revenir
chez lui rapidement.
Ernest Singevin et sa mère marchent avec des connaissances :
les familles Lécaillette, Liébault et Dedieu. Après avoir
traversé Warcq, ils arrivent au petit jour à la ferme de
Praële où, dans l?étable ils boivent un bot de lait ; plus
loin à Fagnon, « transformé en parc d?artillerie », des
soldats leur offrent le ?jus?. Beaucoup de femmes pleurent
en se souvenant que, quelques jours auparavant, c?était
elles qui leur donnaient du café?
Ernest mange un peu de pain avec du chocolat, pendant que sa
mère et une amie, Lili, préparent la soupe pour les soldats.
Mais juste avant le repas, l?ordre arrive de repartir. Sur
la route de Neuville-lès-This, il pense entendre le bruit
des ponts de Mézières qui explosent. Un maréchal des logis
qui conduit un convoi de ravitaillement fait monter les
enfants dans les voitures.
À
midi, ils semblent arrivés à Neuville-lès-This. Ernest mange
un peu de lapin froid et, dans le village, on trouve à
acheter des canettes de bière.
Un lieutenant les accepte dans le convoi de voitures qu?il
conduit, ils repassent par Fagnon, Warnécourt où « des
soldats qui tuent du bétail et le chargent ensuite dans des
autobus ». Ils apprennent que Charleville n?a pas encore été
bombardé, mais une épaisse fumée monte de Mézières.
Dans le flot des réfugiés, Ernest repère des agents de
police de Mézières en uniforme. Le chef de convoi fait
descendre les hommes valides pour laisser place aux femmes
et aux enfants.
Arrivés à Launois, les voitures stationnent sur la place et
tous courent à la gare : « Désillusion ! il n?y a pas de
train et personne ne sait s?il y en aura un? » Certains
décident alors de continuer à pied vers Rethel.
Le dîner fourni par les militaires : boîte de b?uf de
conserve, du ?singe?, avec du pain qu?il a fallu demander, a
lieu sur l?herbe.
Dans la nuit, un « orage épouvantable s?abat sur Launois :
tout le monde se réfugie dans les granges, avec peine trouve
de la place ». Il s?endort très vite, mais vers minuit des
cris annonçant un train vers Reims le réveillent. Cependant,
comme la plupart des personnes, découragés par l?averse, sa
mère et lui restent.
Au matin du 27, le train est parti et ils repartent, des
gens de Sedan se sont joints à leur cortège qui entend plus
distinctement le bruit du canon. Le bruit court que le maire
de Charleville leur conseille de s?éloigner encore.
Aux crêtes de Neuvizy, un aubergiste leur vend du café pour
3 sous la chope. Ils rencontrent une connaissance de
Charleville, M. Thillois, qui leur indique de la place à
Neuvizy. Effectivement, ils sont de suite logés sur de la
paille ? des « habitants charitables leur ont prêté des
couvertures » ? chez M. Malherbe, des hôtes très gentils
« qui ont pitié mais ne les croient pas quand ils leur
parlent de l?avancée des Allemands ». Tous espèrent un arrêt
des Allemands avant Charleville par la division marocaine.
Sur le soir, il va avec des soldats chercher du pain à un
convoi stationné au milieu d?une prairie à la sortie du
village. Et mange des pommes de terre et du jambon qu?on
leur a vendus très bon marché.
Après le dîner, dans l?église comble de Neuvizy, il y a un
salut : « Tous les gens qui se sauvent sont là, priant avec
ferveur alors qu?au loin malgré le chant de l?harmonium on
entend le bruit sourd du canon. Bien des voix tremblent pour
répéter après le prêtre : ?Protégez-nous, seigneur?. »
Ils s?endorment au bruit du canon qui les réveille. Après le
café au lait, c?est l?arrivée de voitures d?ambulance. Des
soldats se préparent à accueillir des blessés peut-être dans
l?église. Il s?en va avec Lili à Launois, dont les habitants
se sauvent. Ils rencontrent des soldats blessés, Lili refait
le pansement de l?un d?eux, qui servent dans la 9e
division qui s?est battue dans la région de Signy-l?Abbaye :
« Un officier nous dit que depuis hier soir la bataille fait
rage, que les hommes de la division marocaine se conduisent
en héros, que les Allemands avaient un moment dû reculer
devant l?héroïsme des zouaves, qu?avec les tirailleurs du 6e
régiment, c?est la même chose du côté de la
Fosse-à-l?eau, malheureusement l?ennemi dispose de beaucoup
de mitrailleuses. »
Obéissant à l?ordre d?évacuer Neuvizy, ils retrouvent par
chance le convoi qui les avait déjà véhiculés et montent
dans la voiture du commandant de ce convoi et se dirigent
vers Amagne. Mais, après que la nuit est tombée, ils
apprennent que le convoi s?est trompé et va vers Voncq.
Le voyage n?est pas trop triste : « Pour nous distraire et
nous faire oublier nos misères les soldats du convoi
racontent des histoires amusantes, on voit que la plupart
sont Parisiens. Ils ont réellement bon c?ur, ils prêtent
leur capote aux femmes pour ne pas qu?elles aient froid. »
Le 29, ils atteignent Voncq, vers 4 heures du matin après
être passés par Charbogne, Attigny et Semuy. De nombreux
véhicules, des « voitures de tous les modèles par centaines
(qui) ont été réquisitionnées un peu partout dans la région
ainsi que les chevaux », des camions automobiles
stationnent. Mais ils n?ont pas le droit de prendre des
civils. Pour se fournir en bois, des conducteurs ont démoli
une vieille charrette et cuisent du café, assis sur un tas
de cailloux. Ernest et sa mère déjeunent de tartines de
beurre.
Les camions s?en vont vers Reims, d?autres soldats partent
aussi; Ernest Singevin les dépeint : « Les soldats sont loin
d?être joyeux, où sont-ils ceux qui chantaient (il) y a quelques jours en passant devant chez nous. »
Le chef du convoi, qui les a amenés, ignorant où il va aller
leur conseille de gagner Semuy, où, pense-t-il, des
logements sont libres et, peut-être ils trouveront un train.
En longeant le canal des Ardennes, ils conversent avec des
territoriaux qui gardent, pour peu de temps encore la voie
ferrée : « Ils disent qu?ils ont reçu l?ordre de quitter
leur poste dans quelques heures, après le passage du dernier
train, un train qui se dirigera vers le combat. » Quand ils
sont à Semuy, Ernest voit circuler un train de tirailleurs
« avec même des mitrailleuses sur le toit ».
Plusieurs régiments occupent Semuy où ils retrouvent des
amis de Charleville, les Couturier. Un sous-officier qui
vient réquisitionner des chambres les réconforte : Sedan
aurait été très peu touché par les bombardements, aucun
combat ne se serait déroulé à Balan et Charleville serait
intact, puisque abandonné sans combat. Ernest relève le
contentement de certains officiers qui « boivent même du
champagne pour fêter, disent-ils, l?arrêt des Allemands » et
l?optimisme de la troupe, avec qui il partage la soupe : « Ce sont des gens du midi, ils sont tous joyeux? il est vrai
qu?ils sont ici en renfort et qu?ils n?ont pas encore reçu
le baptême du feu. »
Pourtant des habitants quittent leurs maisons et, le soir,
des soldats déprimés, certains blessés, arrivent, les
nouvelles sont bien moins bonnes : l?ennemi aurait passé la
Meuse à Sedan et le « corps d?armée colonial » reculerait,
mais, dit un officier, « seulement pied à pied pour
permettre au gros de l?armée d?opérer une retraite
méthodique ».
Les troupes reçoivent l?ordre le soir d?organiser la défense
de Semuy : des ponts sautent, sauf celui de Semuy « pour
permettre la retraite des régiments », des tranchées sont
creusées et des barricades de matériaux divers érigées.
Leurs amis quittent Semuy comme d?autres habitants et
réfugiés, mais eux restent : « Malgré tout ce que l?on
voit, tout ce que l?on entend, on ne croit pas au danger et
nous restons, nous sommes peut-être les seuls. Village vidé
de soldats : partis prendre position dans les environs, sur
la route de Poix-Terron. »
Ils assistent, sans avoir envie le courage d?agir comme eux,
au défilé des soldats battant retraite : « Des dizaines de
blessés passent sur la route, les plus gravement atteints
sont sur des voitures que l?on a dû trouver dans les
villages des environs, voire même sur des charrettes de
mitrailleuse ou des caissons d?artillerie, les moins touchés
marchent, certains se traînent, nous avons tous les larmes
aux yeux, comme ils paraissent pansés très sommairement,
maman et Lili s?offrent pour les soigner, mais tous ces
malheureux n?ont qu?un désir, aller plus loin, et ils
réclament seulement à boire? »
Il aperçoit d?autres soldats qui abandonnent tout leur
équipement, ne gardant que leur fusil. Sur la route passe
une « débandade de soldats » venant de Poix-Terron, « c?est vers ce pays que part un escadron de hussards,
l?officier qui est à sa tête reproche aux fantassins, en
termes assez vifs, leur désordre et surtout de les voir
jeter leur sac sur la route ».
Aux soldats qui veulent boire, ils donnent « tout ce qu?il
reste dans l?épicerie du frère de Mme Couturier », dont des
caisses de bouteilles de bière.
Ils se préparent un abri dans une cave située en dessus
d?une maison voisine, plutôt un sous-sol : ils y descendent
leurs bagages, beaucoup de provisions de bouche, des matelas
et des couvertures ainsi qu?un canard vivant ! Les femmes
s?occupent des blessés, leur donnant à boire et des ?ufs.
Comme la fusillade se rapproche, ils descendent dans l?abri
où leur nombre, 14, les empêche de bien respirer. Les
mitrailleuses en position près du pont tirent sur une
patrouille de cavaliers allemands. Mais d?autres soldats
français, par crainte d?être faits prisonniers demandent des
vêlements civils à un vieillard demeuré dans la maison
voisine.
Le 31, le village est occupé par les Allemands, la bataille
fait rage toute la journée, mais la nuit est calme. Le 1er
septembre, encouragé par M. Toulmonde plusieurs fois
sorti, Ernest sort « dans un silence de mort » et découvre
« le triste et inoubliable spectacle d?un champ de
bataille ». Semuy est saccagé même si ses maisons ont été
peu touchées par des obus qui les survolaient, par contre
frappé par plusieurs obus, le clocher menace de s?écrouler,
des équipements jonchent les rues et malheureusement,
précise-t-il, des morts français et allemands : « Au bout
du jardin de Mme Berthe, cinq cadavres de soldats allemands
gisent sur le sol, derrière une haie, l?un d?eux les yeux
grands ouverts serre encre son fusil de ses deux mains, ils
sont tombés l?un derrière l?autre, sans doute atteints à la
poitrine par une rafale de balles de mitrailleuse? » Il
remarque dans les champs au loin d?autres cadavres, près de
canons abandonnés ainsi que des chevaux qui galopent.
Leur premier contact avec des Allemands est rude : sept
cavaliers allemands, revolver au poing, s?approchent, l?un
leur commande, dans un très bon français, d?enlever les
charrettes du pont. Ils s?exécutent mais, les cavaliers
partis, M. Toulmonde les remet en place. Plus tard, treize
cavaliers allemands reviennent en colère et retirent les
charrettes? »
Extrait de Jacques Lambert et Reinhold Weitz, L?année
1914 à Charleville, Mézières et Euskirchen, Éditions
Terres Ardennaises, 2014, 334 pages.
Faits-divers, Le
Petit Ardennais du samedi 12 mai 1900, consultable sur le site
des Archives départementales des Ardennes
Samedi 12 et
dimanche 13 mai 1900, un week-end musical !
Musiques militaires
Musiques civiles
AD 08 - Cote PERH44 / 41 - Le PDF du journal du jour : clic
ici
Le dessin d'Alain Sartelet
« En 1637,
voici ce que vous auriez vu en pénétrant dans la seconde
cour du Mont-Dieu? Le jour se lève sur la ?Major
Ecclésia?, l?église abbatiale de la Chartreuse
Notre-Dame. L?architecture baroque de sa toute nouvelle
façade, le dôme, le riche portail, les deux clochers
sont l??uvre d?un architecte anonyme au service d?un
richissime donateur : Charles de Gonzague, prince
souverain d?Arches et bâtisseur de Charleville. Au
sommet du dôme, frôlées par le soleil levant,
scintillent de tout leur or de colossales fleurs de lys
et feuilles de trèfles, comme sur une couronne royale.
Cette extraordinaire église est flanquée de la vénérable
chapelle Saint-Bernard qui rappelle le souvenir de saint
Bernard de Clairvaux qui fut l?hôte du Mont-Dieu. Unique
dans le paysage ardennais, et même européen, cette
Chartreuse rouge et or disparaîtra (presque) corps et
bien à la Révolution. Après étude et compilation de
nombreuses sources, voici la façade de la ?Major
Ecclésia? restituée pour la première fois par la magie
du dessin. »
Reconstitution et dessin inédit, offert aux lecteurs du
Journal de confinement par Alain Sartelet, confiné à
Paris.
_______________
Nous avons publié
d'Alain Sartelet :
La
principauté de Sedan.
21 x 30 à l'italienne. 180 p., 1991.
Givet et
sa région à travers les siècles.
25 x 30. 180 p. en quadrichromie, 2015.
- en
coédition avec le Musée de l'Ardenne :
Mézières. Les fortifications et la citadelle.
20 x 25,5. 92 p., 2005.
Gastronomie : La corne de gatte, une Rolls venue d?Écosse !
Photo Elisabeth Lambert.
Ma première intention était d?écrire un petit texte sur une
pomme de terre inconnue de beaucoup : la corne de gatte,
une variété excellente que je cultive depuis de nombreuses
années.
Nous en avons parlé deux fois dans nos publications.
D?abord, dans l?article de Michel Tamine dont nous vous
avons proposé la lecture intégrale dans le Journal de
confinement n° 9 du jeudi 7 mai1.
Dans la liste des variétés qu?il consigne, il donne, sans
aucune autre précision, les noms de Corne blanche
(Signy-le-Petit), Corne rose (Signy-le-Petit) et
Corne Violette (Signy-le-Petit).
En revanche, il consacre un paragraphe à la « Corne de
chèvre : La Sabotterie : appelée également : Saucisse
longue ou Corne de bélier : pomme de terre
longue, Omont : pomme de terre longue, de chair ferme, ne se
démolit pas à la cuisson, excellent avec les civets, mais de
faible rendement. Monthermé : pomme de terre de luxe ;
(appelée aussi Corne de Gade). Regniowez : tubercule
pointu aux extrémités très fermes, excellent pour les
fricassées, reste entier à la cuisson. Angecourt : longue à
chair blanche (appelée aussi : Corne de Cabe). Région
de Mouzon et Carignan : de taille généralement petite,
couleur rose, chair jaune et très délicate, cuisinée en
?robe des champs? ou en frites, sujette à la ?gâte? et
souvent abandonné pour cette raison (appelée aussi :
Corne de Cap, bec, longue, rate),
remplacée par la BF 15. Givet : Couenne di gate (/kwèn
di gat/) : pommes de terre longue. Hargnies :
Couenne di Gate. Gespunsart : Corne de bique :
tubercule arrondi en arc de cercle. »
Ensuite, dans l?ouvrage d?Hubert Fontaine, Hubert le
Jardinier2.
Bourg-Fidèle
Corne de Gate
« Entre les Mazures, Rimogne et Sévigny-la-Forêt, à
Bourg-Fidèle, au pays des patates, titre d?un film3
qui passe et repasse à la télé. Un film drôle qui met en
scène Pierre Perret et lorsque je lui ai évoqué
Bourg-Fidèle, il était enchanté du tournage dans le village.
Ma curiosité était portée sur une pomme de terre renommée de
l?Ardenne.
Question : « Que pensez-vous de la pomme de terre ?Corne
de Gate? ? »
Sans hésiter Pierre Perret répond : « C?est la Rolls des
pommes de terre ! »
Je suis resté comme un rond de frite, ébahi et ravi. Pierre
Perret venait de me donner une belle leçon de
communication !
Si un jour vous avez la chance de déguster une Corne de Gate,
sachez qu?il est inutile d?ajouter du beurre, il est déjà à
l?intérieur. »
À propos du film Les Patates
Ce film est tiré du roman écrit par Jacques
Vaucherot, né aux Mazures le 10 janvier 1923, et
qui, après des études à Charleville est devenu
professeur de lettres classiques.
Le livre ?Les patates? a été publié par les
Éditions Flammarion en janvier 1962 ; il semble
qu?il soit encore disponible à la vente.
Jacques Vaucherot a donné des articles à ?La
Grive?, revue ardennaise créée par Jean-Paul
Vaillant.
Il est décédé à Tarbes le 8 avril 2006.
_______________________
D?après Marie-France Barbe[i] :
« Le matériel de guerre avait été prêté par MM.
Jean Alexandre de Novion-Porcien et Jean Rohart
de Touligny. » Or, le Musée Guerre et Paix ? qui
collabore à ce Journal de confinement ?, voulu
par Jacques Sourdille, a acquis à ses débuts la
collection de Jean Alexandre.
Parmi les anecdotes rappelées par Marie-France
Barbe, une concerne les pommes de terre : « J?ai
participé à la floraison des pommes de terre. Il
fallait accrocher les fleurs aux pommes de terre
en plastique. (Madame Gerbeaux) » Effectivement,
le film ayant été tourné à partir du 15 août
1969 jusqu?à la fin septembre, il y avait belle
lurette que les ?vraies? pommes de terre étaient
défleuries.
L?autre montre que Pierre Perret, auteur de
Jurons, gros mots et autres noms d'oiseaux,
paru aux Éditions Plon, en octobre 1994,
savait les utiliser avec de la répartie. Un
Rocroyen en a témoigné à Marie-France Barbe :
deux habitants de la commune « étaient en train
d?admirer le superbe blouson en cuir de Pierre
Perret qui se trouvait là également.
Vise-moi un peu cette peau si elle est souple et
lisse, dit l?un.
Mais l?ami Pierre n?était pas sourd. Il se
retourne goguenard vers le bavard et lui lance :
« Et
encore t?as rien
vu ! si tu voyais la peau de mon c?, elle est
encore plus lisse que ça? »
[i] Marie-France
Barbe, « Les Patates », in Mémoire du
Cinéma dans les Ardennes, Terres
Ardennaises, 1996, p. 197-204.
De ces deux textes ci-dessus, retenons plusieurs choses :
la corne de gatte est un légume de luxe !
la dénomination de la corne de gatte par rapport à une
corne de chèvre.
les divers patois pour désigner la chèvre : gate, gade,
cabe. A. Vauchelet4
ajoute : gaille, cabre.
le mot bique signifiant chèvre correspond bien.
celui de bélier peut-être moins. Le mâle de la chèvre
est un bouc, alors que le bélier est un mouton non
castré.
De nombreux sites consultés sur Internet, dont ceux des
semenciers qui la commercialisent ? leur lecture permet de
savoir comment la cultiver ?, il ressort que cette variété
de pommes de terre est apparue dans les années 1850 en
Écosse : Outre-manche, elle s?appelle Pink Fir Apple.
Wikipédia5
précise : elle est inscrite au catalogue officiel des
variétés au Royaume-Uni depuis le 16 octobre 1979.
Elle est soit présentée comme une proche variété de ratte6,
soit comme une ratte rose7.
Wikipédia8,
dans sa présentation de la ratte, précise qu?on l?appelle
aussi ?Corne de bélier??
En Allemagne, se cultive de manière très minoritaire la
?Corne de Bamberg? « créée
avant 1819, originaire de
Franconie.
Elle présente une grande similarité avec une variété
ancienne française, la Ratte9. »
On trouve aussi dans ce pays la ?Rosa Tannenzapfen10?,
dont la traduction est ?Pommes de sapin rose? ou ?Cônes
roses de pin? qui est, sans contestation possible une Corne
de Gatte !
Cette
dernière est appelée en Allemagne : ?eine Delikatesse?,
ce qui lui convient à merveille. Tout le monde vante sa peau
fine rosée ? que l?on peut manger surtout si elle issue
d?une culture bio ? sous laquelle on trouve une chair jaune
pâle, fine et fondante, aux notes de noisettes ou de noix.
Tout le monde apprécie ses excellentes qualités gustatives ?
elle peut être cuite à la vapeur ou rissolée ? et sa bonne
tenue à la cuisson ? on peut l?utiliser en salade car elle
reste ferme ?. Même si de rares voix affirment qu?elle est
de conservation moyenne, mon expérience me fait inscrire en
faux. Par contre, il est juste de dire qu?elle a un d?un
rendement moyen, voire faible, surtout s?il ne pleut pas
l?été. Mais ne dit-on pas que les « bonnes choses sont
rares? »
La ferme de produits bios l?Alsontaine de Juniville
commercialise des cornes de gatte sur le Marché du
Boulingrin, à Reims, les premiers samedis de chaque mois, et
sur le marché de Renwez
(Information donnée par une lectrice Mireille H.),
les derniers vendredis de chaque mois. Mais il est
certainement possible d?aller en chercher à la ferme.
On peut aussi se rendre le 3e dimanche d?octobre à
Florenville où se fête la célèbre ?Plate de Florenville?,
qui sera présentée dans un prochain journal.
Deux recettes à essayer absolument :
Recette avec coquille
Saint-Jacques
clic sur l'image
>>>>>
Corne
de gatte fondante et croustillante
clic sur l'image
>>>>>
1
Michel Tamine, « Patate, canada, tartouffe, crombîre,
Pois de terre... », in Terres Ardennaises Boire et
manger en Ardennes, n°16, octobre 1986.
2
Hubert Fontaine Hubert le Jardinier, Photographies de
Grégory Fontaine, Mes p?tits bouts d?Ardennes,
Éditions Terres Ardennaises, 2009, 184 pages.
3
Marie-France Barbe, « Les Patates », in Mémoire du
Cinéma dans les Ardennes, Éditions Terres
Ardennaises, 1996, p. 197-203.
4 A.
Vauchelet, Tous les patois des Ardennes, Édition
de la Société des Écrivains Ardennais, réédition de
décembre 1979, 259 pages.